Comme auparavant, les zaouïas, ce sont maintenant les organisations estudiantines qu'on mobilise sous forme d'une "coordination", et avec l'implication directe du ministre de l'Enseignement supérieur, Tahar Hadjar, pour soutenir l'appel à un 5e mandat. Le spectacle est affligeant. À l'affiche de la salle des conférences, humide et étouffante, du siège du Front de libération nationale, hier, à Hydra, un show digne de la pensée unique : naissance de la "Coordination génération Bouteflika". Sous la direction des deux "metteurs en scène", le secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbes, et le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Tahar Hadjar, des représentants de six organisations estudiantines satellites sont venus figurer dans le scénario en marche pour un cinquième mandat d'Abdelaziz Bouteflika. Louanges et excès de zèle, surenchères et idolâtries étaient au rendez-vous. Le tout contenu dans un appel, au contenu outrancier, dans lequel les représentants choisis des six organisations estudiantines témoignent de leur "fidélité" et de leur "allégeance" au président de la République, et l'invitent à "poursuivre ses missions à la tête de l'Etat". Après donc les zaouïas, ce sont maintenant les organisations estudiantines qu'on mobilise sous forme d'une "coordination", pour servir les desseins politiques d'Abdelaziz Bouteflika et de son entourage. Cette institution scientifique, dont la mission première est de former l'élite algérienne de demain dans les différents domaines du savoir, rejoint ainsi officiellement le club élargi des comités de soutien au chef de l'Etat. Le fait saillant est dans cette entreprise menée avec l'implication directe du ministre en charge du secteur, Tahar Hadjar. Ce même ministre qui avait mis en garde, et à maintes reprises, contre l'implication de l'université dans des considérations politiques. Pas plus tard que le 6 janvier 2018, il tenait ce propos : "Ce que nous combattons à l'intérieur de l'université, c'est l'activisme politicien." Hier, comme seules six organisations estudiantines sur les neuf agréées avaient répondu à l'appel, Tahar Hadjar a invité les trois organisations restantes à rejoindre la "Coordination génération Bouteflika". Le discours de la peur comme argument ?! C'est dans l'habit d'un "bon papi" que Djamel Ould Abbes, 83 ans, s'est plu, hier, à faire la leçon à ceux qu'il désigne comme ses "petits-fils", à la fleur de l'âge, ramenés des différents campus, le temps d'une cérémonie. Il le revendiquait, d'ailleurs, sans gêne : "Je suis votre premier père." Après un long discours moralisateur, et surtout paternaliste, place au chantage par la peur : le cinquième mandat ou le chaos ! Le SG du FLN a eu recours à des contes dignes des scénarios hitchcockiens, pour dire aux désormais représentants de la génération Bouteflika combien ils étaient chanceux de ne pas avoir vécu l'horreur des années 1990. Et combien aussi ils doivent être redevables au "réinstaurateur de la paix et de la stabilité". Etant donné la situation sécuritaire régionale, les guerres civiles en Syrie et au Yémen, le repli des combattants de Daech vers le Sahel, l'immunité de l'Algérie, aux yeux de Djamel Ould Abbes, réside dans "la continuité du règne de Bouteflika". Les quelques étudiants, qui ont pris la parole à la fin de la cérémonie, n'avaient pas soufflé mot sur les défis de l'heure que l'université algérienne, fortement déclassée, se doit de relever. Ils étaient là pour lire des discours écrits et préparés à l'avance. Des discours débordant d'éloges et de flatteries que, d'ordinaire, les sujets prononcent devant les monarques. Mehdi Mehenni