Le MAE annonce avoir chargé le représentant permanent de l'Algérie à Genève pour exprimer au bureau des droits de l'homme la "désapprobation" d'Alger. La sortie des ONG et de la porte-parole du haut commissariat aux droits de l'homme de l'ONU dénonçant le traitement infligé aux migrants n'ont pas été, comme attendu, du goût d'Alger. Après une première réaction jeudi dans laquelle il juge les accusations des ONG de "graves", le ministère des Affaires étrangères s'est fendu hier d'un communiqué dans lequel il réagit vivement aux propos de la porte-parole du haut commissariat aux droits de l'homme de l'ONU. Il annonce ainsi avoir chargé le représentant permanent de l'Algérie à Genève pour exprimer au bureau des droits de l'homme la "désapprobation" d'Alger et lui réclamer des "explications" sur les propos tenus par sa porte-parole mardi dernier. "À la suite de la récente déclaration faite par la porte-parole du bureau du haut-commissaire des droits de l'homme des Nations unies concernant les conditions dans lesquelles auraient été reconduits, dans leurs pays respectifs, des migrants séjournant illégalement en Algérie, le représentant permanent de l'Algérie à Genève a été instruit pour exprimer au bureau du haut-commissaire des droits de l'homme la vive désapprobation des autorités algériennes des propos inacceptables tenus par sa porte-parole et demander des clarifications sur les raisons l'ayant conduite à faire avec une aussi insoutenable légèreté un tel procès d'intention à l'Algérie", écrit le MAE. Mardi, lors d'un point de presse organisé à Genève et repris sur le site de l'instance onusienne, la porte-parole du HCDH, Ravina Shamdasani, a appelé les autorités algériennes à "cesser les expulsions collectives" des migrants subsahariens, dont elle juge le nombre à des milliers. Shamdasani a également dénoncé des "rafles massives" et des conditions de détention "dégradantes et inhumaines". "Ce qui est particulièrement inquiétant, c'est que la plupart des personnes à qui nous avons parlé ont déclaré qu'elles n'étaient pas soumises à des évaluations individualisées et qu'elles n'étaient pas informées des raisons de leur détention ou si elles avaient le droit de prendre leurs biens, passeports ou argent avant qu'ils ne soient détenus", avait souligné la porte-parole du HCDH. "Ces propos, parce qu'ils se fondent sur de simples allégations parcellaires approximatives et non vérifiées, rapportées, du reste, au conditionnel, constituent une grave entorse à la vérité et un manquement grave à l'obligation de rigueur, de prudence et d'objectivité à laquelle doit s'astreindre, en toutes circonstances, le bureau des droits de l'homme, en particulier lorsqu'il s'agit de questions aussi sensibles et aussi complexes", dénonce le MAE, visiblement agacé. Souci sécuritaire et approche globale du phénomène Comme déjà exprimé par de nombreux responsables, dont le Premier ministre Ahmed Ouyahia, le MAE met en avant les problèmes sécuritaires que charrie le phénomène. "L'Algérie voudrait une nouvelle fois affirmer, de la manière la plus formelle, que, face aux graves défis dont le phénomène de la migration irrégulière est porteur, elle se doit, à l'instar de tous les Etats du monde, de prendre toutes les mesures qu'elle estime nécessaires pour assurer la sécurité et le bien-être de ses citoyens ainsi que des étrangers séjournant légalement sur son territoire." À l'inverse des accusations des ONG et de l'instance onusienne, le MAE soutient que "les mesures de reconduite aux frontières se font conformément à la loi algérienne, aux obligations internationales de l'Algérie et dans le strict respect de la dignité et des droits humains des personnes concernées". Ces mesures s'effectuent avec l'accord préalable des autorités des pays concernés qui procèdent à l'identification des intéressés et à la délivrance des laissez-passer consulaires et avec la participation de volontaires du Croissant-Rouge algérien et des éléments de la Protection civile, précise le texte. Le MAE qui rappelle que l'Algérie ne peut renier ses "valeurs d'humanisme et d'hospitalité" rappelle que le traitement du phénomène migratoire appelle des réponses à ses causes. "C'est, enfin, le lieu pour l'Algérie d'appeler à des efforts soutenus de la part de la communauté internationale pour apporter des solutions aux problèmes à l'origine de l'exode de centaines de milliers de personnes vers le Nord et pour éliminer les réseaux criminels qui exploitent leurs détresse, car la seule rhétorique, de surcroît accusatrice, ne peut, en aucun cas, constituer une réponse à un phénomène aussi complexe que la migration irrégulière", conclut le texte. Cette sortie du MAE est la seconde en l'espace de deux jours. Jeudi, il a exprimé le rejet de l'Algérie des accusations des ONG qualifiées de "graves" et qui participent, selon lui, d'une campagne visant à porter atteinte à l'image de l'Algérie. "L'Algérie fait l'objet, depuis plusieurs semaines, d'une campagne malveillante orchestrée par certaines organisations non gouvernementales qui l'accusent à tort de faillir à ses obligations internationales en matière de solidarité, d'accueil et d'hospitalité à l'endroit de migrants subsahariens. L'Algérie rejette avec force ces graves accusations qui visent, de toute évidence, à porter atteinte à son image et à ses rapports avec ses voisins du Sud auxquels elle est liée par des relations fortes fondées sur la fraternité, le respect mutuel, la solidarité et la communauté de destin", avait écrit le MAE. Karim Kebir