Jamais ça n'avait été si simple : bonne humeur, buts qui pleuvent, médias derrière les Trois Lions... Au lendemain de la victoire écrasante contre le Panama (6-1), l'Angleterre s'est qualifiée pour les huitièmes de finale du Mondial-2018 dans une sérénité quasi insolite. "C'était si brillant, si agréable, que c'était presque surréaliste. L'Angleterre menait 5-0 à la mi-temps, Harry Kane marquait des buts par accident. Le pays pouvait s'asseoir et se détendre en regardant l'équipe nationale jouer une Coupe du monde. Etonnant", écrit The Times, lundi matin, résumant l'opinion générale. "Le seul problème était de savoir si c'était trop beau", se demande-t-il toutefois, cédant à l'idée diffuse en Angleterre que, depuis la demi-finale du Mondial-1990, une Coupe du monde, c'est une Coupe du monde ratée. Entre la non-qualification pour l'Euro-2008, l'humiliation par l'Allemagne (4-1) dès les huitièmes au Mondial-2010, zéro victoire lors du Mondial-2014 et l'élimination dès les huitièmes de l'Euro-2016 par l'Islande plus récemment, sans compter le scandale du sélectionneur Sam Allardyce, qui n'a tenu que 67 jours en poste, il y a fort longtemps que le public anglais n'avait pas eu autant d'espoir. "L'Angleterre échappe à son passé étouffant grâce à un football vivant et stimulant : oui, vous avez vraiment vu ce que vous pensez avoir vu", se réjouit le Telegraph. "L'Angleterre (...) a effacé les souvenirs douloureux de la Coupe du monde grâce à 90 minutes envoûtantes", veut croire The Sun. "Le discours des prochains jours sera: (...) restez calme, ce n'était que le Panama", tempère The Guardian. "Ceci étant dit,(...) cela faisait longtemps qu'une équipe anglaise n'avait pas joué aussi spontanément." Et tout le mérite en revient à Gareth Southgate et Harry Kane. Le capitaine, déjà auteur de 5 buts en Russie, est celui vers qui tout le monde se tourne, le talisman. Et l'attaquant de Tottenham est au rendez-vous, avec un doublé contre la Tunisie et un triplé contre le Panama. Le sélectionneur, lui, a su installer un climat calme, propice au développement de sa bande de jeunes (l'Angleterre est la troisième équipe la plus jeune du tournoi). En disant au revoir aux cadres sur le déclin Wayne Rooney et Joe Hart, puis en sélectionnant des "Trois Lions" inexpérimentés, il s'est assuré que peu de ses joueurs trimbaleraient avec eux la négativité qui avait été la marque de fabrique des équipes de ces prédécesseurs. Les médias ont largement relayé la bonne humeur du camp de base de Repino, montrant notamment les courses de licornes gonflables dans la piscine. Ensuite, Southgate a géré de main de maître les deux départs de feu de sa campagne de Russie, se frayant par là même un chemin dans le coeur des joueurs. Il y a d'abord eu celle née du tatouage de fusil d'assaut sur le mollet de Raheem Sterling. L'entraîneur a défendu son joueur coûte que coûte, gagnant au passage beaucoup de crédit auprès de son groupe. "Son calme, la façon dont il gère les situations au sein du groupe (...) Je pense que l'équipe l'apprécie vraiment", avait ainsi expliqué le milieu Eric Dier. Avant le Panama, les médias britanniques ont diffusé une photo d'une feuille tenue par l'adjoint Steve Holland, semblant donner la composition contre les "Canaleros". Southgate s'est d'abord agacé, avant de tout aplanir avec tact... "Je comprends totalement que les médias doivent rendre compte des informations. (...) Je sais qu'ils nous veulent du bien, c'est évident depuis le début du tournoi. Je suis détendu, pour moi, il n'y a pas de drame." Aussitôt allumé, l'incendie est aussitôt éteint. Et puis, il y a le football. En prônant un jeu moderne, grâce à des défenseurs bons manieurs de ballon (Walker-Stones-Maguire) et au moins deux milieux centraux sur trois libres d'attaquer (Lingard/Alli contre Tunisie, Lingard/Loftus-Cheek contre Panama), Southgate a séduit. En cas de victoire contre la Belgique jeudi (ou en cas de match nul sans prendre plus de cartons), l'Angleterre, qui espère inlassablement depuis son unique titre mondial en 1966, terminera première de son groupe. Ce sera son premier vrai test. Mais même une défaite ne devrait rien gâcher: les Lions vivent désormais au pays des licornes. Programme d'aujourd'hui Gr C : Danemark - France (15h) Gr C : Australie - Pérou (15h) Gr D : Islande - Croatie (19h) Gr D : Nigeria - Argentine (19h)