La question est de savoir si la dynamique de création d'emplois enregistrée en Algérie, au Maroc et en Tunisie sera maintenue. La table ronde du Maghreb sur l'emploi, le commerce, genre et gouvernance, s'est tenue les 24 et 25 mai derniers sans la présence des principaux officiels des trois pays invités pour suivre les doléances de la société civile. Le Chef du gouvernement tunisien, Mohamed Ghannouchi, et les ministres algériens Abdelhamid Temmar, de la Participation et de la Promotion de l'investissement, et El-Hachemi Djaâboub, du Commerce ont décliné à la dernière minute, nous dit-on, l'invitation de la Banque mondiale. Une défection qui a mis mal à l'aise les responsables de la Banque mondiale. M. Théodor Ahlers, directeur du département Maghreb, lui, préfère minimiser l'absence des politiques : “La présence dans les groupes thématiques d'un important nombre de hauts cadres des institutions des trois pays concernés est aussi importante que celle des officiels. Ils peuvent servir de courroie de transmission.” M. Ahlers, comme pour calmer les esprits, souligne qu'“il ne s'agit pas de mettre à leur disposition des canevas de réforme, mais de faire connaître les efforts fournis dans leur pays en matière de réforme et de trouver les moyens adéquats pour les faire avancer”. Pourtant, les thèmes débattus lors de cette table ronde — l'emploi, le commerce, genre et gouvernance — interpellent surtout les gouvernements. Le constat fait par la Banque mondiale est que la quasi-totalité des pays du Maghreb souffre d'un taux de chômage élevé dont les jeunes, les personnes instruites et les femmes sont les principales victimes. La coexistence de deux facteurs, un marché rigide et une population active en rapide expansion, impose un fardeau écrasant aux gouvernements des pays de la région. Rien qu'au Maghreb, il faudrait créer 22 millions d'emplois, à l'horizon 2020, pour satisfaire à la fois les demandes des chômeurs et celles des nouveaux arrivants. L'Algérie, le Maroc et la Tunisie ont obtenu d'excellents résultats en matière de création d'emplois. À la faveur du taux de croissance économique d'environ 5,4% par an en 2003 et en 2004, les pays du Maghreb ont réduit le chômage de près de quatre points de pourcentage depuis l'année 2000. En dépit de ces progrès, certains se demandent dans quelle mesure la baisse actuelle du chômage se maintiendra. C'est que, pour eux, bon nombre d'emplois créés depuis quelques années sont temporaires et, dans l'ensemble, le niveau de création d'emplois paraît artificiellement élevé par rapport à la reprise récente de la croissance. L'élasticité de l'accroissement des emplois par rapport à la croissance de la production est en moyenne de 0,9, autrement dit bien supérieure aux moyennes internationales de croissance dans une perspective à long terme. “Bien que le rapport emploi-production varie d'un pays à l'autre, cette accélération du rythme de création d'emplois par rapport à la croissance de la production donne à penser que les succès récemment remportés dans la lutte contre le chômage ne pourront pas être maintenus.” L'autre constat, c'est que si la qualité de la gouvernance dans les trois pays du Maghreb est légèrement meilleure que la moyenne des autres pays de la région Mena, dont ils font partie par rapport aux autres régions du monde, les trois pays sont à la traîne. “La performance des pays du Maghreb diffère selon l'aspect de la gouvernance sur lequel on met l'accent, la qualité de l'administration ou la responsabilité publique”, souligne-t-on. La qualité de l'administration au Maroc (51,6) et en Tunisie (54) est supérieure à la moyenne régionale (47). L'Algérie, elle, se situe bien au-dessous (41). En matière de responsabilité publique, la moyenne de la région est de 54, alors que celle-ci n'atteint que 31,3 en Algérie, 35 en Tunisie et 39 au Maroc. En somme, le déficit de gouvernance du Maghreb par rapport aux pays du monde à revenu similaire est principalement dû au manque de responsabilité des officiels à l'égard de leurs concitoyens. M. R.