La fête de l'Aïd el-Adha s'est terminée en queue de poisson dans la capitale. Après la pénurie de pain et de lait, c'est au tour de l'eau minérale de disparaître des étals à cause du choléra. La confirmation tardive par le ministère de la Santé des 41 cas de choléra parmi les personnes hospitalisées à Alger, à Blida, à Tipasa et à Bouira, et le décès d'une personne à l'hôpital de Boufarik (Blida), a créé une psychose générale à tel point que les habitants du Grand-Alger se sont rués vers les magasins et les grandes surfaces pour s'approvisionner en eau minérale. Jeudi soir, des commerces, ouverts dans le cadre des permanences de l'Aïd el-Adha ont été pris d'assaut par les Algérois. "Jeudi, vers 21h, on m'a appelé à la maison pour me signaler une urgence. Arrivé devant mon magasin, j'ai été surpris par la présence d'une dizaine de personnes qui habitent le même quartier. À ma grande surprise, les visiteurs m'ont acheté les 120 fardeaux d'eau minérale qui me restaient en stock", témoigne le propriétaire d'une supérette de Draria. Dans certains magasins d'El-Achour, de Ben Aknoun, d'Aïn Allah, de Chéraga et de Sebbala, le fardeau qui était cédé jeudi matin à 160 DA a enregistré une hausse pour atteindre 200 DA. À prendre ou à laisser, les spéculateurs profitent du malheur des uns pour engranger des profits. Selon notre témoin, "ce sont les responsables du secteur de la santé qui ont amplifié l'information sur les plateaux de télévision. Au lieu de mieux communiquer et d'apaiser les esprits, ils se contredisent à longueur de journée pour, enfin, lancer un pavé dans la mare au journal télévisé du soir". Pour ce commerçant, même si le ministère de la Santé a officiellement exclu une contamination liée à la consommation de l'eau du robinet, les consommateurs, eux, sont submergés par l'idée que l'or bleu est contaminé. Hier, vers 11h, les grossistes ont dû renforcer leur flotte pour approvisionner les commerçants afin de répondre aux besoins des clients. "J'ai commandé plus de 500 fardeaux d'eau minérale. Je sais que cette tension va encore durer, car le consommateur cède toujours devant la rumeur et la psychose", explique un autre commerçant de Sebbala, affirmant qu'il n'était pas évident de faire face aux besoins des habitants des quatre cités AADL. Du reste, les commerçants qui ont fait le pont pour fêter l'Aïd el-Adha qui a coïncidé avec le dernier jour de la semaine, ont aggravé la situation, créant une pénurie généralisée sous le regard placide des autorités chargées du contrôle. "Nous sommes des commerçants et nous sommes tenus d'assurer un service public. Ce n'est pas normal que les autres commerçants observent un pont sans être inquiétés", témoigne un autre commerçant qui venait juste de recevoir un approvisionnement en eau minérale. Pour les consommateurs que nous avons croisés, la pénurie d'eau minérale est synonyme d'absence de l'Etat. "Après le pain, le lait et le rationnement en eau potable durant l'Aïd, c'est au tour de l'eau minérale de disparaître des étals. Trouvez-vous ça normal ?" s'interroge un sexagénaire, retraité de son état. FARID BELGACEM