L'enquête turque et les indices collectés par l'Agence américaine de renseignement mènent vers la mise en cause directe de Mohammed Ben Salmane que Donald Trump cherche à protéger au nom de la sacro-sainte alliance stratégique entre Riyad et Washington. Une dizaine de princes influents et des membres de la famille royale saoudienne envisagent sérieusement d'écarter le prince héritier, Mohammed Ben Salmane, de l'accès au trône, a révélé hier l'agence de presse anglo-saxonne Reuters, citant trois sources proches de la Cour royale. Des membres de la famille régnante des Al Saoud semblent avoir décidé de barrer la route au fils du roi Salmane Ben Abdelaziz (82 ans), en raison de l'affaire de l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi le 2 octobre dernier dans le siège du consulat saoudien à Istanbul, dans laquelle MBS serait directement impliqué, selon les informations que les services de renseignements turcs et américains ont fait fuiter dans les médias. Selon ces sources, "le prince Ahmed, le frère du roi Salman, le seul survivant des 17 membres de la fratrie, serait soutenu par des membres de sa famille, des services de sécurité et des puissances occidentales", a rapporté Reuters. Installé à Londres, le prince Ahmed est revenu au pays en octobre dernier et il est l'un des trois membres de le Conseil d'allégeance qui se sont opposés à la désignation, en 2017, du prince héritier comme futur roi d'Arabie Saoudite, bouleversant ainsi l'ordre de succession qui a provoqué des remous et une révolution à l'intérieur du palais qui a été, semble-t-il, étouffée dans l'œuf. Malgré la désignation de Mohammed Ben Salmane (33 ans) par son père, vieux et malade, son intronisation n'est pas gagnée, car elle doit passer encore par le Conseil d'allégeance qui peut s'y opposer. Avec sa présumée implication dans l'assassinat de Jamal Khashoggi, dont il serait même le commanditaire, MBS a compromis toutes ses chances de prendre le relais du pouvoir dans une Arabie Saoudite à la réputation déjà salie par sa guerre d'agression au Yémen et son soutien plus qu'avéré du terrorisme à travers le monde. Mais il reste toutefois une donne à ne pas négliger : le poids des Etats-Unis qui tentent de disculper le prince héritier en mettant en cause même le rapport préliminaire de la CIA qui a conclu pour le moment à sa culpabilité dans ce meurtre. Cependant, Washington refuse de lâcher MBS, fort du soutien de Jordan Kirchner, le gendre du président Donald Trump qui essaie depuis l'éclatement de cette affaire de sauver le prince héritier, dans un souci de préserver les intérêts des Etats-Unis avec l'Arabie Saoudite. Selon toujours Reuters, un haut responsable américain a d'ailleurs affirmé que "la Maison-Blanche ne s'empressait pas de prendre ses distances avec le prince héritier, malgré les pressions des membres du Congrès et le rapport d'enquête de la CIA". Mais étant donné que le prince Ahmed aurait assuré qu'il ne toucherait pas aux réformes en cours dans le royaume, ni aux contrats liant Riyad à Washington, il ne sera pas donc étonnant que Trump change son fusil d'épaule, en lâchant MBS qu'il protégera toutefois contre toutes poursuites judiciaires. Lyès Menacer