L'expérience a montré qu'à Riyad la volonté du défunt chef d'Etat ne suffit pas à installer un roi sur le trône. C'est au Conseil d'allégeance, composé de 34 individus, que tout se joue. Et c'est là que les adversaires de Mohammed Ben Salmane promettent de passer à l'action. L'élimination du journaliste Jamal Khashoggi commence à causer de grands dommages politiques au prince héritier d'Arabie Saoudite, Mohammed Ben Salmane (MBS). La situation devrait se compliquer davantage pour lui, d'autant qu'il est aujourd'hui fortement soupçonné d'avoir commandité l'odieux assassinat. Pour les services de renseignements américains et turcs, il ne fait aucun doute : c'est lui qui a pris la décision de faire assassiner Khashoggi. Et pour les membres de la famille Al Saoud, il s'agit là d'un motif valable pour l'empêcher d'accéder au trône. L'agence de presse Reuters indique à ce propos que certains d'entre eux sont actuellement en train de se coaliser pour empêcher MBS de succéder à son père, le roi Salmane Ben Abdelaziz. L'éjection de MBS du pouvoir ne devrait cependant avoir lieu qu'après la disparition de son père. En effet, les détracteurs du prince héritier ne croient pas que le roi Salmane puisse se détourner de son fils préféré. «L'expérience a montré qu'à Riyad la volonté du défunt chef d'Etat ne suffit pas à installer un roi sur le trône. C'est au Conseil d'allégeance, composé de 34 individus, que tout se joue. C'est en effet lui qui donne son aval», signalent des spécialistes de l'Arabie Saoudite. Et justement, c'est là que les adversaires du prince se promettent de passer à l'action. Qui pour remplacer MBS ? Ses adversaires ont déjà jeté leur dévolu sur une solution interne au Conseil d'allégeance : Ahmed Ben Abdelaziz, 76 ans, dernier frère (et non demi-frère) du roi. Ce choix aurait tout d'abord pour vertu de revenir à la transmission traditionnelle du pouvoir en Arabie Saoudite. Les six monarques qui se sont succédé à la tête du pays depuis la mort d'Ibn Saoud étaient tous des fils de ce dernier, le roi Salmane compris. Et puis, Ahmed Ben Abdelaziz dispose d'autres atouts : connu pour avoir peu d'affection pour son neveu et pour avoir essayé d'entraver son ascension en se prononçant contre lui au sein du Conseil d'allégeance en 2017, il peut s'appuyer sur de nombreux soutiens. Ainsi, selon des sources citées par l'agence de presse britannique, les services de sécurité se rangeront derrière lui s'il fait l'objet d'un consensus au sein de la famille royale. Elles ajoutent qu'il a aussi les faveurs de certaines puissances occidentales. Des conseillers américains auraient déjà prévenu également les Saoudiens que les Etats-Unis se tiendraient aux côtés du prince Ahmed. Si Donald Trump n'a pas encore lâché Mohammed Ben Salmane, ce dernier a, dit-on, de toute façon perdu de sa superbe par-delà l'Atlantique. Et la mort du journaliste n'est pas le seul motif de ce refroidissement : les Américains reprochent à MBS d'avoir demandé au ministère de la Défense de réfléchir à l'achat d'armes russes. Aujourd'hui en Occident, tout le monde semble avoir d'excellentes raisons de clore le chapitre Mohamed Ben Salmane, le forfait sanglant d'Istanbul n'apparaissant plus que comme un noble prétexte. Ainsi, ses adversaires au sein de sa famille ne lui pardonnent pas, quant à eux, sa progression express dans la hiérarchie et surtout sa manière de mettre au rancart certains membres de la dynastie. – Trump accusé de rouler pour les Ben Salmane Un influent sénateur américain a dénoncé, mardi, le choix de Donald Trump d'exonérer le prince héritier d'Arabie Saoudite dans le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, estimant que le Président avait joué le rôle d'une «agence de relations publiques». M. Trump a assuré que la CIA n'avait «rien trouvé d'absolument certain» pour incriminer Mohammed Ben Salmane dans le meurtre du journaliste, alors que selon la presse, l'enquête de l'agence de renseignement a établi que le prince héritier avait commandité le crime. Le président américain a également affirmé dans un communiqué que les Etats-Unis entendaient «rester un partenaire inébranlable de l'Arabie Saoudite». «Je n'aurais jamais pensé voir le jour où la Maison-Blanche ressemblerait à une agence de relations publiques pour le prince héritier saoudien», a écrit sur Twitter Bob Corker, le chef républicain de la puissante commission des affaires étrangères du Sénat. D'autres sénateurs républicains ont aussi critiqué l'alignement de M. Trump sur la défense choisie par le royaume saoudien. «Ce communiqué est l'Arabie Saoudite d'abord, pas l'Amérique d'abord», a raillé Rand Paul, en référence au slogan régulièrement lancé par le Président. R. I.