Black Spirit (Esprit noir) de Chakib Taleb-Bendiab vient de remporter le prix du meilleur court métrage au prestigieux Festival of Time d'Edmonton, au Canada. Le film a été projeté en avant-première lors de la dernière édition du Festival international du cinéma d'Alger (Fica). Pour son second court métrage, Chakib Taleb-Bendiab a frappé fort ! Une belle surprise ! C'est à l'issue de cette traversée brûlante d'un vieil archéologue français, parti à la recherche d'un légendaire clan de samouraïs africains, que Chakib Taleb-Bendiab signe ce chef-d'œuvre singulier qui donne au cinéaste algérien une autre dimension. Black Spirit est une fiction en apparence appétissante et intéressante. C'est l'histoire de Brice Fournier, un archéologue et "professeur émérite à la Sorbonne", qui délaisse sa vie pour en faire un terrain en jachère, privé d'émotions et de sensualité, insensible même aux tentations de complicité de cette jeune femme qui le soignait, n'a plus qu'une seule envie : dépoussiérer cette histoire mythologique du clan des samouraïs africains. Mené d'une carte qui date du XVIIe siècle sur laquelle est écrit en arabe et en japonais qu'il y avait, à l'époque, au Japon, des samouraïs africains, d'anciens esclaves qui ont pu repartir en Afrique, on les appelait "les esprits noirs". Naïf comme un enfant, mais déterminé comme un samouraï, la soif de la vérité obnubilait l'archéologue et le poussait dans le désert où il s'aventurait sans la moindre goutte eau et sans essence. "Ce désert est immense, mais les esprits se retrouvent toujours", lui lança un Africain, rencontré dans un taudis en plein milieu du désert, alors que Monsieur X, l'archéologue, dont on ne connaîtra jamais le nom, était déjà parti quêter la moindre trace de Yasuke, le premier samouraï africain, un esclave offert au seigneur Hosokawa, au château de Kumamoto (Japon) en mars 1650. Perdu dans le désert, le professeur de la Sorbonne, dont le rôle a été confié à Brice Fournier, se fait ramasser, presque mort, par des Noirs africains. À son éveil, il se voit entouré de ces "esprits noirs" qu'il quêtait obstinément et qui l'habitaient presque complètement. Les tatouages gravés sur leurs corps et à la prononciation de leur "trinité", qui renvoyait à la liberté et à la fierté d'être à la fois samouraï et Africain, suffisaient au professeur d'avoir la ferme conviction qu'il était enfin dans le giron même de ce Black Spirit. L'archéologue se réveille alors en sursaut, comme d'un rêve, ouvrant les yeux sur des secouristes venus le chercher dans le désert, alors qu'il était pris au piège d'une immense étendue chaotique où le sable et la soif régnaient en maitres absolus. Cette rencontre avec "l'Esprit noir" était-elle un rêve tout compte fait ? Ou bien une réalité troublante ? Ses troubles psychologiques lui jouent-ils des tours ? Le tatouage qu'il portait après son rêve serait-il la preuve probante de cette rencontre mi-évidente, mi-chimérique. C'est ce mélange de fiction et de hardiesse qui fascine dans Black Spirit de Chakib Taleb-Bendiab. Un mélange complexe mais réussi. Les limites du suspense et de la réflexion ont été repoussées davantage par ce jeune cinéaste qui, il faut le croire, promet monts et merveilles. Attendons-le sur d'autres chefs-d'œuvre. Ali Titouche