Réalisatrice et également créatrice de "Tahya Cinéma", Drifa Mezenner revient dans cet entretien sur la naissance de cette plateforme numérique dédiée aux professionnels du cinéma et de l'audiovisuel, et ainsi que sur ses objectifs. Liberté : Tahya Cinéma se veut "un espace d'échange, qui rassemble les talents, les compétences et les professionnels du cinéma et de l'audiovisuel en Algérie". Comment est né ce projet ? Drifa Mezenner : J'ai entamé la réalisation de mon premier long métrage en 2013 mais pendant plus de trois ans, le film est resté en suspens pour plusieurs raisons, mais principalement pour un manque de financement. Cette situation m'a incitée à me questionner sur la problématique du financement du cinéma en Algérie ; des questionnements qui ont pris forme lors de ma participation à l'Académie des managers culturels de Berlin en automne 2016, et au terme de laquelle mon projet "Business to cinema" a remporté un soutien total de la part du Goethe Institut. Le projet s'articulait autour d'une série de brainstormings dans le but de trouver des idées pour de nouvelles sources de financement du cinéma en Algérie. Ces brainstormings ont été organisés avec l'aide d'Abdelkrim Boudra, directeur de l'institut IICOM d'Alger, et ont abouti à un memento, sur la situation du cinéma. Ce document comprend des recommandations sur toutes les étapes de la création cinématographique. Suite à cette phase de réflexion, et grâce au soutien continu du Goethe Institut, j'ai pu poursuivre immédiatement le développement de mon projet vers la concrétisation de la plateforme numérique Tahya Cinéma. J'ai travaillé d'abord avec le développeur Moncef Chetitah, puis Amine Bendjoudi nous a rejoints, insufflant plus d'interactivité à la plateforme. Aujourd'hui Amine est comanager sur le projet, et depuis fin 2018, c'est l'équipe des développeurs Hamza Benahcène, Mohamed Fatah et Ayoub Boudelaa qui ont pris le relais. La version 1.0 de Tahya Cinéma est prévue pour l'été 2019. Dans la présentation, il est expliqué que c'est "une plateforme qui propose aux professionnels de nouveaux outils de travail en ligne pour leur permettre de s'interconnecter et de travailler ensemble". Pouvez-vous nous éclairer sur son fonctionnement ? Tahya Cinéma se compose de deux volets principaux : un volet dédié à la communauté des professionnels du cinéma et de l'audiovisuel qui comprend une base de données. Et un volet "ressources" ouvert en accès libre, pour encourager la circulation de l'information et permettre aux nouveaux venus de trouver les outils nécessaires à leur initiation aux métiers du cinéma et de l'audiovisuel. Il est composé de trois catégories : formation, financement et distribution. Vous venez de lancer en collaboration avec le Goethe Institut d'Alger, la masterclass "El Warsha"… Tahya Cinéma a pour objectif de participer à l'instauration d'un climat favorable au réseautage et l'échange d'expertise au sein de la communauté audiovisuelle et cinéma, à travers la création de réseaux actifs qui permettent aux professionnels de mettre en valeur leurs talents et leurs projets. Nous avons également pour ambition de soutenir les nouveaux talents algériens, et de faciliter le réseautage avec les professionnels. "El Warsha" s'inscrit dans cette volonté d'encourager le débat entre professionnels, et d'aider les débutants qui cherchent orientation et appui. L'espace n'est pas très grand, c'est pour cette raison que nous sommes obligés de procéder par inscription et à sélectionner les participants pour les premières sessions. Avez-vous d'autres activités en cours d'élaboration ? Pour le moment nous travaillons sur le développement de la plateforme, une fois en ligne l'équipe de Tahya Cinéma veillera à étudier les besoins de la corporation et à proposer les initiatives qui contribuent à renforcer les potentialités en matière d'écriture, de réalisation, de production, de distribution et à faciliter l'accès aux informations concernant les financements et la promotion des talents et des professionnels, dans toutes les régions d'Algérie. Le 7e art algérien est en déclin (absence d'industrie, de salles, de financements, de productions, de distributions…). Pensez-vous que des plateformes comme Tahya Cinéma peuvent apporter un renouveau et relancer ce secteur ? En effet, le secteur du cinéma et de l'audiovisuel aussi est un vaste chantier. Dans Tahya Cinéma, nous sommes convaincus que la communication et l'interaction entre les différents corps du métier dans la communauté et leur mise en relation avec des sources de financements va contribuer à créer une synergie de création. Car les talents et les opportunités existent mais restent inexploités et dispersés pour différentes raisons. Aussi, le manque de formation et d'orientation, le manque de financement, l'absence de principe d'égalité dans l'accès aux quelques sources de financement existantes, l'opacité des mécanismes concernant l'accès aux informations relatives aux formations et aux financements ainsi que des informations disponibles sur internet, ne sont pas classées ni faciles à trouver. Les compétences dans le domaine de l'audiovisuel existent, il est donc nécessaire de les employer dans des projets durant toute l'année. Tahya Cinéma souhaite apporter sa pierre à l'édifice, et c'est en réponse à toutes ces problématiques que la plateforme tente de donner aux professionnels les outils de travail qui leur permettent d'optimiser temps et énergie, pour trouver des opportunités de travail, pour produire plus de films, ce qui va générer, nous l'espérons, plus de possibilités dans la suite de la chaîne : à savoir les canaux de distribution et de diffusion.