La France a délivré en 2004 moins de 8 000 titres de séjour pour motif professionnel contre 70 000 au titre du regroupement familial qui permet à un immigré de faire venir sa famille auprès de lui, un droit reconnu par les textes européens. Cette situation est loin de satisfaire le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, qui à la haute main sur le sujet de l'immigration. Un sujet, disent les sondages, qui préoccupe au plus haut point l'opinion publique française. Le numéro 2 du gouvernement, qui est aussi le chef de l'UMP, le parti majoritaire, ne veut plus de ce qu'il appelle une “immigration subie”. Symboliquement, il s'est déplacé lundi dernier à Marseille, la deuxième ville de France et carrefour de la Méditerranée, pour exposer sa politique en la matière. Devant les représentants des administrations consulaire et préfectorale, il a fait valoir que la France devait choisir les immigrés dont elle a “besoin”. Le ministre a expliqué que si “l'immigration zéro est un mythe” il ne voulait “plus que la France accueille ceux dont, nulle part ailleurs, on ne veut”. Sans évoquer des “quotas”, terme trop polémique, M. Sarkozy a réaffirmé sa volonté de substituer une “immigration choisie”, à celle que, selon lui, la France “subit”. “Il appartient au gouvernement, a-t-il dit, sous le contrôle du Parlement, de fixer, en fonction des besoins de l'économie et de nos capacités d'accueil, le nombre des personnes admises à s'installer en France”. Une mission interministérielle lui remettra en mars 2006 les fruits d'une “réflexion qualitative et quantitative sur les profils de personnes” que la France souhaite accueillir. Dans un premier temps, la seule modalité annoncée de sélection concerne les étudiants, dont le droit au séjour est actuellement soumis à une pré-inscription dans une université. Nicolas Sarkozy a annoncé la mise en place dans les consulats d'“un système de points” pour les étudiants selon des critères (âge, langue, discipline) qui ne comprennent pas la nationalité. L'objectif est d'étendre ce dispositif aux “actifs qualifiés” qui bénéficieraient de cartes de séjour “de trois ou quatre ans”, afin, selon le ministre, d'“éviter de vider les pays d'origine de leurs meilleures compétences”. Par ailleurs, M. Sarkozy entend renforcer la lutte contre l'“immigration subie”, notamment en maîtrisant “mieux l'immigration familiale”, qui se taille la part du lion dans les titres de séjour et ferait l'objet, selon le ministère, de “détournements de procédures” massifs. “Les mariages blancs et forcés seront mieux réprimés, le regroupement familial un peu moins contourné, les attestations d'accueil enfin contrôlées”, a dit le ministre. M. Sarkozy, qui souhaite une “direction d'administration centrale unique” sur l'immigration, entend que les autorités soient plus attentives aux conditions de logement et de ressources exigées pour un regroupement familial et s'assurent que “l'étranger qui (le) sollicite s'engage à prendre en charge tous les besoins de sa famille pendant une durée à déterminer”. Il a demandé une vigilance renforcée aux consulats concernant l'octroi de visas, notamment en cas de “suspicion” de polygamie, de maltraitance aux femmes, ou de “risque migratoire”, lorsqu'il est à craindre qu'un visa de tourisme soit un moyen de s'installer en France. Dans les consulats “sensibles”, une “déclaration de retour” sera exigée aux bénéficiaires à l'issue de leur séjour en France. Le nombre de visas accordés à un pays serait ajusté au respect de cette formalité par ses ressortissants. Sarkozy qui a réaffirmé l'objectif de 23 000 expulsions en 2005 (+50%), a confirmé que les régularisations de clandestins ne se feraient qu'“au cas par cas”, “lorsque la situation humanitaire l'exige” et a annoncé une circulaire en septembre prochain. Ceux qui souhaitaient une régularisation massive à l'instar de ce qui vient de se passer en Espagne vont devoir déchanter. Ainsi, M. Sarkozy s'achemine vers la progression d'un système comme au Canada qui choisit lui-même les candidats à l'immigration en fonction de critères précis et selon des quantités définies à l'avance. Dans le mouvement associatif, les décisions de Sarkozy ont été accueillies par une salve de critiques. La Cimade, service œcuménique d'entraide, s'est dite “inquiète” des “nouvelles conditions annoncées par le ministre, lorsqu'il dit souhaiter que l'étranger qui demande le regroupement familial s'engage à prendre en charge — tous les besoins de sa famille —”. Le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) a condamné les propos du ministre l'accusant de tendre vers une “instrumentalisation politique du thème de l'immigration”. Pour Abderahmane Dahmane, le dispositif ainsi annoncé est “respectueux des droits de l'Homme et de la générosité de la France”. Il respecte et rassure les immigrés intégrés. La politique des “quotas” découle de la situation économique mondiale, analyse-t-il, en se réjouissant qu'elle s'applique aux “métiers et non aux ethnies”. Yacine KENZY