Le système avec lequel le président Bouteflika a présidé aux destinées de l'Algérie depuis 1999 vit-il ses derniers jours ? La réponse à cette lancinante question tend plutôt vers l'affirmative étant donné l'instabilité et le flou total qui règnent en maître en ce moment au sein de toutes les institutions de l'Etat. En tout cas, les signes avant-coureurs de la fin de l'ère de Bouteflika sont clairement perceptibles depuis le 22 février dernier, date de la première marche. Ce jour-là, le peuple s'est levé comme un seul homme, a bravé l'interdit et a imposé cette première manifestation pacifique. Cette détermination de la population à vouloir exprimer dans la rue son ras-le-bol et son opposition à un cinquième mandat de Bouteflika a fait reculer le pouvoir. Et ce repli obligé ou tactique de ce dernier constitue, en lui-même, la première grosse fissure dans le système. À chaque cri séditieux de la rue, de larges pans du régime s'écroulent. Au fur et à mesure que la grogne populaire s'intensifie, le pouvoir, acculé, accorde, malgré lui, des concessions. M. Bouteflika ou son entourage tente de répondre favorablement à la revendication des dizaines de millions d'Algériens qui battent le pavé chaque vendredi et promet de ne plus se porter candidat à la présidentielle. Or, à l'unisson, le peuple exige le départ de tout le système. Preuve en est, toutes les propositions émanant du palais d'El-Mouradia sont tout simplement rejetées en bloc par les marcheurs. Pour ce cinquième vendredi consécutif du "Hirak populaire", le peuple va, encore une fois, dire que l'Algérie ne veut ni monarchie ni oligarchie. Et tout porte à croire que le 5e épisode de cette sédition pacifique se passera, à l'instar des précédents, dans la communion et la fraternité entre tous les enfants du pays, notamment les éléments des services de sécurité. Ceux-ci se sentent, en effet, plus proches de leurs concitoyens, encadrent les marches et veillent au bon déroulement de toutes les manifestations dans l'arène de la contestation. L'on sera tenté de dire que le processus de "débouteflikisation" est, d'ores et déjà, enclenché car, l'armée, sur laquelle s'appuyait auparavant le chef de l'Etat pour faire passer ses décisions les plus irrégulières et impopulaires, demeure au contraire et "en toute circonstance le rempart du peuple et de la nation", souligne, dans un message, le chef d'état-major et vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaïd Salah. Voilà encore une autre immense lézarde qui ébranle davantage le système en place. Les défections en cascade enregistrées dans les rangs du pouvoir au lendemain de la "révolution blanche", comme aiment à la qualifier les manifestants, prouvent que le navire prend eau de toutes parts. Les alliés du système quittent le bateau qui a de la peine à s'arrimer au vent de la révolte qui souffle depuis un mois sur le pays. Le refus des magistrats de juger les manifestants se veut, en outre, un acte hautement symbolique qui signifie que les fondations du système menacent ruine sérieusement… La crise qui secoue les organisations inféodées au pouvoir, telles que l'UGTA, le FCE…, et la difficulté que rencontre Noureddine Bedoui à former son gouvernement sonnent l'heure de la fin du système qui doit impérativement basculer vers la 2e République. B. K.