Pour expliquer l'impasse et la crise que vit le pays, il faut remonter au passé. Qui mieux qu'un ancien moudjahid, de surcroît officier de l'ALN, pour faire cette jonction. Invité du Forum de Liberté, Lakhdar Bouregaâ, impliqué dans le mouvement populaire actuel malgré son âge, a raconté des anecdotes et restitué des faits qui ont présidé, de manière directe ou indirecte, à la situation actuelle. Pour l'ancien commandant de la Wilaya IV historique, les premières divergences entre responsables politiques ont commencé en 1958. Des dirigeants de la Révolution, notamment les chefs de wilaya, avaient tenté de tenir un "Soummam bis" pour créer un mécanisme de coordination entre les wilayas de l'intérieur. Mais la délégation extérieure avait refusé la décision. Mais plus que les autres composantes de la Révolution, c'est l'armée des frontières qui a été la cible privilégiée de Lakhdar Bouregaâ. Ce dernier rappelle que le colonel Houari Boumediene avait constitué "une milice" pour s'emparer du pouvoir en Algérie après l'indépendance. "Je ne dis pas que les éléments de cette armée étaient des traîtres. Mais Boumediene avait utilisé de vrais maquisards pour contrer le GPRA", a-t-il indiqué. Faisant un parallèle entre l'armée d'aujourd'hui, "constituée de vrais militaires, compétents", et celle de 1962, l'ancien maquisard rappelle qu'à l'indépendance, "l'ANP avait attaqué l'ALN", en référence à la prise du pouvoir par l'armée des frontières. Autre cible de Lakhdar Bouregaâ : le Malg (ministère de l'Armement et des Liaisons générales), service de renseignements de la Révolution. Pour l'invité du Forum de Liberté, le rôle du Malg était de "créer la suspicion entre les cadres de la Révolution". Il s'est d'ailleurs interrogé sur le véritable rôle de ce corps et donne même une information qui doit interpeller les historiens : "plus de 80% des chouhada sont tombés durant la période allant de mars à septembre 1959", période de l'activité du Malg sous la direction d'Abdelhafid Boussouf. Contrairement à la majorité des acteurs de la Révolution de Novembre 1954, Lakhdar Bouregaâ ne fait pas dans l'autosatisfaction. "Contrairement aux idées reçues, la Révolution n'a pas été faite par tout le monde et les Algériens n'étaient pas tous sur la même longueur d'onde", a-t-il indiqué, tout en affirmant que "depuis le 22 février, c'est la première fois que les Algériens tiennent le même discours et sont d'accord sur l'essentiel". "Jusqu'au mois d'avril 1962, nous nous battions encore contre des groupes opposés à l'indépendance", a-t-il rappelé pour briser le mythe autour de l'unanimisme raconté sur la Révolution. Sans citer de noms, Lakhdar Bouregaâ doute du passé militant de certains dirigeants actuels. "Si on écrivait la véritable histoire de notre pays, des noms de certains dirigeants actuels seront cités dans le mauvais registre", a-t-il indiqué. De qui parlait-il ? Le vieux maquisard a préféré ne pas se lancer dans des polémiques. Ali B.