Tous les soirs. Qu'il vente ou qu'il pleuve, les 24 marches avec leurs 60 mètres de moquette changée 3 fois par jour pendant 10 jours, foulées par 80 000 festivaliers chaque année, deviennent l'attraction la plus populaires du festival. Elle procure émotion, sensation de gloire et romantisme. Mais souvent le rouge du tapis est contrebalancé par le noir que montre l'écran. Cette année, ce contraste du rouge et du noir qui s'épousent allègrement est illustré par 3 films éminemment politiques. Le premier vient de l'Afrique. Il s'agit de l'Atlantique signé par la franco-belgo-sénégalais Mati Diop. Au cœur du film, on retrouve la jeunesse sénégalaise, représentée dans le film par Souleyman, l'amant d'Ada, soulevée en 2011-2012 avec le mouvement "Y'en a marre". Banlieue de Dakar. Sans salaire depuis des mois, certains ouvriers travaillant à la construction d'une tour futuriste s'embarquent sur l'océan à la recherche du bonheur en Europe. Pendant ce temps, une fièvre mystérieuse terrasse les femmes du quartier… Pour traduire cette colère, les problèmes et les préoccupations de la jeunesse, la réalisatrice opte pour un œuvre mélangeant l'onirisme, le fantastique et le réalisme. Avec le film en lice pour la Palme, l'auteure bouscule la vision occidentale et médiatique de la migration clandestine. Comme Moussa Touré dans la Pirogue, avec un regard de l'intérieur, elle montre les causes qui poussent au départ et traduit les angoisses que cela génère. Le deuxième, Sorry We Missed You, de Ken Loach, inscrit son action dans une Newcastle contemporaine. Toujours fidèle à son cinéma social, le réalisateur britannique dresse le portrait d'une famille qui descend doucement et surement en enfer sous la pression des dérives de l'ubérisation et de la numérisation de la société. À 83 ans, Ken Loach reste parmi les plus prolifiques et plus politiques des cinéastes dans le monde. Il compte à son effectif dix-neuf films sélectionnés dont quatorze en compétition. Avec ce 32e long métrage., il brigue une troisième Palme après Le vent se lève en 2006 et Moi, Daniel Blake en 2016). Le dernier, Les Hirondelles de Kaboul, est une animation signée par Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec et présenté dans la Un certain regard. Adapté du roman éponyme de Yasmina Khadra, le film se veut une prouesse graphique et une œuvre fortement cinématographique. "La technique utilisée consiste à filmer les comédiens en train de jouer, avant d'apporter, sur ces images, une création graphique originale." Sur scène deux couples aux trajectoires contrastées évoluent dans une Kaboul entre les mains des talibans. Malgré leurs grandes différences, ils se rejoignent dans la tendance naturelle à défendre, voir à mourir pour la liberté. Même si les faits sont largement connus, le film a le mérite de rappeler avec des sons brutaux et des dessins beaux que la paix restera toujours fragilisée par la violence si l'on ne prend pas garde. S'agissant des prétentions des uns et des autres, outre leurs qualités intrinsèques, on peut facilement imaginer que leur engagement politique peut peser sur la décision des jurys. Dans ce sens, ils gardent leurs chances à être cités dans les palmarès. En tout cas, les festivaliers aiment bien cette traversée romantique qui débouche sur un contenu politique.