Durant cette rencontre, Nna Djouher a guidé son auditoire sur l'itinéraire de l'académicienne avec une lecture de textes choisis de son œuvre Assia Djebar, une figure de l'aube (éd. Casbah 2016). Le f'nar (phare) s'est éteint sur l'ultime nuit de l'espace "Les Mercredis du verbe", où a brillé, le 29 mai dernier, et jusqu'aux premières lueurs de l'aurore, la figure d'Assia Djebar qu'a imagée pour l'auditoire Amhis Ouksel Djouher. "Ma rencontre livresque avec Assia Djebar date de l'escale de "l'amour, la fantasia" (1985) quand elle écrivait à force de se taire et lorsqu'elle affrontait de front ses enseignants", a déclaré la conférencière. Et drapée de sa blouse de professeur de lettres françaises, Nna Djouher a guidé son auditoire sur l'itinéraire d'Assia Djebar avec une lecture de textes choisis de son œuvre Assia Djebar, une figure de l'aube (éd. Casbah 2016). Peut-être bien qu'elle était l'égal du temps pour habiter "nulle part" et en aucun lieu dans la maison de son père. "Le titre évacue donc l'espace et exprime ce déficit de confiance entre celle qui trempait sa plume dans la voix de ses aïeules et un père qu'elle n'idolâtre plus pour l'avoir réprimandée d'exhiber innocemment ses genoux quand elle jouait au vélo. Alors, heurtée à cinq ans, Assia Djebar voyait les couleurs du totem paternel se délayer dans l'irascibilité d'un père qu'elle vénérait par-dessus tout. Mais à cet âge-là, la romancière ne s'expliquait pas tant de colère pour si peu de chose", a ajouté Nna Djouher. Alors était-ce ce déclic où a germé le féminisme ? Peut-être bien que oui ! Car depuis ce jour Assia Djebar n'admettait pas l'enfermement de la femme derrière le rempart de l'intolérance. "Pourquoi cacher le corps féminin alors qu'il est plaisant !" À ce titre, le cri de cœur d'Assia Djebar a fait l'objet d'une thèse de doctorat soutenue publiquement le 20 septembre 2012 à l'université de Grenoble sous l'intitulé "L'image du corps féminin dans l'œuvre d'Assia Djebar" (spécialité lettres et arts/langue française). En dépit de l'exil, l'œuvre d'Assia Djebar est inébranlable dans sa foi de femme qui s'ajuste sur l'axe de l'Algérie qui est à l'entête de sa filmographie où elle clamait l'air de La nouba des femmes du mont Chenoua (1978) et La zerda ou les chants de l'oubli (1982). "A-t-elle étanché sa soif de désenchaîner sa sœur l'Algérienne qu'elle érigeait au cœur de sa grandissime œuvre ? Assurément oui, eu égard à l'option fictionnelle qui lui a permis d'affirmer d'abord son identité, ses racines mais d'exprimer aussi ses opinions." À ce titre, l'enfant de Cherchell disait : "L'Académie Française a rendu hommage à mon entêtement d'écrivain en faveur de la littérature et pour mes racines de langue arabe, de culture musulmane. Elle a dû aussi prendre en compte mon travail pour la francophonie." Mieux, la romancière a fait de la langue française son territoire et "langue de l'irréductibilité" que le père de Nedjma, Kateb Yacine, avait qualifié de "butin de guerre". D'ailleurs, on se souvient de son discours à l'Académie Française. "La langue française, la vôtre, Mesdames et Messieurs, devenue la mienne, tout au moins en écriture, le français donc est lieu de creusement de mon travail, espace de ma méditation ou de ma rêverie, cible de mon utopie peut-être, je dirai même tempo de ma respiration, au jour le jour : ce que je voudrais esquisser, en cet instant où je demeure silhouette dressée sur votre seuil." Ainsi, Nna Djouher a réussi en sa qualité de pédagogue à enseigner à la jeunesse les textes phare de la littérature algérienne dont Malek Ouary (1916-2001), Mouloud Feraoun (1913-1962), Mouloud Mammeri (1917-1989), Mohammed Dib (1920-2003), Taos Amrouche dite Marguerite Taos Amrouche (1913-1976). Et à l'issue de la soirée littéraire, beaucoup s'étaient promis de récupérer le temps qu'ils ont perdu à ne pas lire Assia Djebar.