C'est un été d'enfer. À la fin de ce mois de juillet, plusieurs feux de forêt ont été enregistrés dans différentes régions du pays, transformant ainsi le domaine forestier en immenses brasiers. Jusqu'à présent, la zone la plus touchée est la wilaya de Relizane avec 22 incendies. Reportage. Dimanche, 31 juillet, 11h30, Ramka, douar Ouled Cheikh. Nous “patrouillons” depuis des heures à essayer de localiser des foyers d'incendie. C'est avec peine que notre voiture grimpe la piste abrupte et quasiment impraticable menant au bout des 180 hectares de forêt embrasés. Nous avançons encore et, un moment, la voiture ne peu plus continuer. Nous nous frayons un passage au milieu des arbres calcinés. Terrible. Nous sommes dans la forêt de Oued Ardjem, une forêt située au fin fond de la chaîne de montagne d'El Ouencharis, à une altitude de 900 mètres. C'est une zone classée INA (Intervention non autorisée par l'ANP). On décide d'y aller coûte que coûte. Une rangée de flammes hautes a dévasté une haie de pin d'Alep, de broussaille et quelques eucalyptus. Kassem, chef de service de la protection de la faune et de la flore de la direction de conservation des forêts de la wilaya de Relizane, nous conduit plus près des vestiges, par un sentier, frayant à travers un maquis hérissé d'herbes piquantes et au milieu des pins noircis par les flammes. “C'est un nouveau foyer d'incendie, il date du 22 juillet dernier. Il a ravagé près de 180 hectares du domaine forestier. Et ce n'est pas encore la fin de l'été”, dit Kassem avant d'ajouter : “Dans ces régions, nous ne pouvons pas intervenir car la forêt est classée zone INA, non sécurisée. Dans ce genre de cas, nous laissons la nature faire les choses en espérant que le feu atteindra les tranchées, ou qu'il pleuvra le plus tôt possible”, explique-t-il. Nous montons plus haut, le tableau est noir : le feu a tout consommé sur son par-cours. Détail significatif : le sol est devenu noirâtre. “Lorsqu'on trouve un terrain comme celui-ci, cela veut dire qu'il a été brûlé plusieurs fois et il faut attendre des années pour qu'un arbre repousse.” Le responsable des forestiers nous fait un état des lieux. Concernant la prévention contre les feux, il nous informe que la campagne de lutte a été ouverte un mois avant le délai. “Cette année, nous avons ouvert la campagne de prévention au mois de mai et cela est dû au rude hiver avec les fortes chutes de neige qui ont recouvert les plantes. Durant les deux mois de mai et juin, nous avons enregistré 19 incendies. Pour ce qui est de la prévention contre les feux dans les zones INA, nous avons ouvert 495 hectares de tranchées pare-feux et installé 35 postes de vigie”, explique-t-il. Il faut savoir que les accès vers les centres des incendies dans ces endroits sont souvent impossibles. Les pistes ne sont pas toujours aménagées et les terrains sont souvent minés. À signaler qu'à Relizane, qui compte un massif forestier de 51 794 hectares, les services de la Protection civile ne disposent pas de grands moyens pour combattre le feu. Nous poursuivons notre patrouille en profondeur jusqu'à ce qu'un militaire nous ordonne de rebrousser chemin. “Descendez, c'est une zone non sécurisée !” ordonne-t-il. Nous changeons de cap et nous continuons à sillonner les monts de la région de Relizane. Partout, c'est le même spectacle : Aïn Tarik, Zemoura ou Ramka. Il est à noter que la commune de Ramka est la plus touchée avec 960 hectares dévastés par les flammes. Les années noires Pendant des années, les forêts de la wilaya de Relizane attiraient des centaines d'habitants, des familles, des chasseurs ou, tout simplement, des amoureux de la nature. Mais, la situation sécuritaire a transformé les forêts en maquis islamistes. Les habitants de ces régions, ainsi que les amoureux de la nature, désertent les lieux, cédant la place aux groupes armés. Les arbres centenaires ne sont plus que de sombres souches ou des tas de cendre. “Durant l'année 1995, 95 % des forêts de la région ont été détruits”, raconte le doyen des forestiers. “Nous avons vécu des périodes très difficiles. Suite aux massacres, l'armée intervient et occupe les lieux. Les forêts très denses qui favorisent le refuge des terroristes sont alors rasées, des centaines d'arbres sont coupés. 95% du massif forestier a été anéantis. La forêt a été ravagée par les ratissages de l'armée”, explique un des forestiers. S'il regrette les forêts d'avant le terrorisme, il s'accorde à dire que l'action de l'armée était inévitable : “C'est la situation sécuritaire qui l'exigeait. L'armée a sauvé des vies humaines”, affirme le doyen des forestiers. Nabila Afroun