L'élection présidentielle à laquelle appelle le patron de l'armée sera certainement boycottée par la majorité des Algériens. La rue béjaouie a renoué, hier, avec la mobilisation populaire des grands jours, à la faveur de la marche du 29e vendredi de manifestations contre le système, qui intervient en pleine rentrée sociale et politique particulière. En effet, plusieurs dizaines de milliers de citoyens, venus des quatre coins de la wilaya de Béjaïa et munis des deux drapeaux amazigh et national, ont battu le pavé dans l'après-midi d'hier, depuis la maison de la culture Taos-Amrouche jusqu'à l'ancienne ville. Le rejet de l'agenda électoral du pouvoir et le maintien de la mobilisation citoyenne jusqu'à la chute définitive du régime ont été les principaux mots d'ordre de la nouvelle démonstration de force du mouvement populaire à Béjaïa. Reprenant en chœur des slogans fort significatifs, les manifestants béjaouis ont surtout juré de ne pas aller voter avant le départ définitif du système et de ses symboles. "Wallah manvotiw hata trahlou gaâ", ont-ils scandé à tue-tête dans une ambiance festive. C'est dire que l'élection présidentielle à laquelle appelle le patron de l'armée sera certainement boudée par la majorité des Algériens, comme ce fut le cas de celle annoncée par l'actuel chef de l'Etat par intérim, prévue pour le 4 juillet passé. Le message du hirak est on ne peut plus clair : il n'y aura pas d'élection sans le départ de toutes les figures du système, dont le chef d'état-major de l'ANP, le chef de l'Etat par intérim, le gouvernement Bedoui, le Sénat et la Chambre basse du Parlement, ainsi que le Conseil constitutionnel. Même le panel de médiation et de dialogue que dirige Karim Younès, bien qu'il soit déjà discrédité, n'a pu échapper aux foudres des manifestants qui ont traité ouvertement ses membres de "traîtres" et de "larbins du régime militaire". S'adressant aux tenants du pouvoir en place, les marcheurs ont crié haut et fort : "Ya hna ya n'touma, maranach habsine" (Ou c'est vous, ou c'est nous, nous n'allons pas nous arrêter), ou encore "Errahlou RND et FLN, errahlou houkouma wa el barlamane" (RND, FLN, gouvernement et Parlement, dégagez !). Une façon de réaffirmer leur détermination à en découdre avec le régime militaro-autoritaire qui a pris en otage la destinée de l'Algérie depuis l'indépendance. Encore une fois, les Béjaouis n'ont pas été tendres avec le vice-ministre de la Défense nationale. "Asmaâ ya El Gaïd, dawla madania, machi âaskaria" (Ecoutez M. Gaïd Salah, nous voulons d'un Etat civil et non militaire), "Les Algériens sont des Amazighs", sont autant de slogans brocardant et dénonçant le premier responsable de l'institution militaire qui incarne, aux yeux des manifestants, le pouvoir réel en Algérie. Par ailleurs, la déferlante humaine, qui brandissait tout au long de son parcours l'emblème national et le drapeau amazigh, n'a pas manqué de réitérer la revendication du mouvement populaire né le 22 février, à savoir "la libération immédiate et inconditionnelle de l'ensemble des détenus politiques et d'opinion", dont le grand moudjahid Lakhdar Bouregâa. "Ya Amirouche, ya El-Houès, el moudjahiddine fi lahbas", "Ya Abane, ya Krim, el khayen wella zaïm", a scandé la foule.