Le général de corps d'armée à la retraite et ancien patron de l'ex-département du renseignement et de la sécurité (DRS), pendant plus de vingt ans, Mohamed Mediène, est sorti, hier, pour la première fois de son silence, en donnant sa version sur les raisons de son limogeage en septembre 2015 par le président déchu, Abdelaziz Bouteflika. Il affirme ainsi, dans une déclaration lue durant son audition devant le tribunal militaire et transmise à la presse, par le biais de son avocat Me Lahcène Seriak, avoir été visé par un complot ayant conduit à son incarcération le 5 mai dernier et sa condamnation hier, à 15 ans de prison. Le général Toufik soutient "payer" pour avoir donné à l'époque instruction à ses services, d'enquêter sur des affaires de corruption impliquant, suggère-t-il, des hommes proches de l'ex-clan présidentiel. "J'ai lancé de multiples enquêtes sur de graves dossiers de corruption et de détournement, dès que j'ai constaté avec mes services le développement considérable de la corruption au sein de nos jeunes organisations financières et industrielles, les dégénérant et les tuant dans l'œuf, atteignant l'ensemble des secteurs de la vie nationale économique et sociale. Un développement criminel oligarchique d'une corruption vite mélangée avec la politique et l'exercice des missions des pouvoirs publics, voire le fonctionnement de l'Etat", écrit-il. Et d'ajouter : "Oligarques, démarcheurs, intermédiaires, rabatteurs, publicistes financiers, politiciens, financiers ont pullulé par générations spontanées à l'ombre de l'Etat corrompu et des oligarques avec leurs fausses grandes entreprises." Plus loin, il décrit davantage ce milieu de corruption qui a gangréné les institutions du pays et interféré dans les décisions prises par l'Etat. "Enhardis, ces oligarques et leurs complices institutionnels ont introduit dans notre pays le principe systémique des pots-de-vin et des pots de miel, des commissions faramineuses devenues un véritable cancer des projets publics, comme la Sonatrach, l'autoroute Est-Ouest. Ils ont mis en place des organisations criminelles formant par leurs ramifications mondiales et internes une puissance occulte dans les rouages de l'Etat, qui doit compter avec elles pratiquement sur tout. Ténébreusement, sournoisement, officiellement, tout un personnel institutionnel criminel et chaque jour plus nombreux avait étendu un habile réseau destiné à compromettre et corrompre les plus honnêtes de nos citoyens et de nos responsables", ajoute le général, pointant les dangers d'une telle situation sur le pays. "La corruption allait donc faire disparaître littéralement et physiquement notre jeune nation, ses territoires et ses richesses nationales, voire son peuple dépossédé de toute valeur de vie composée", raconte-t-il. Selon lui, "les appétits ont vite grandi" au point que "la moindre entreprise spontanée, gracieusement financée, porte sur des chiffres que l'on n'a jamais osé imaginer. La soif de faire des affaires malhonnêtes et de les faire vite est devenue générale. L'appât du gain facile a levé tous les scrupules. La spéculation criminelle antiéconomique de l'oligarchie ambiante a apporté avec elle une véritable démoralisation nationale dans l'ensemble des domaines constitutifs de notre être historique, économique et vivrier ; travail, création, patrie, honneur, honnêteté, tout cela est parti", témoigne encore le général.