Confronté à une dangereuse recrudescence du terrorisme, le Mali fait face depuis plus d'un an à une multiplication des affrontements ethniques, qui ont fait des centaines de victimes et des milliers de déplacés. Un nouveau rapport de l'ONG Human Rights Watch a pointé du doigt la responsabilité de l'armée malienne et des troupes de maintien de la paix de l'ONU dans le massacre de 35 civils du village d'Ogossagou (peul), dans une attaque perpétrée par une milice de l'ethnie dogon la mi-février 2020. L'ONG reproche en effet à ces deux entités le fait d'avoir quitté Ogossagou le jour même de la commémoration du premier anniversaire du massacre qui a coûté la vie à 150 civils de ce village, dans le centre du Mali, en proie à une montée des actes terroristes et aux violences intercommunautaires depuis plusieurs mois. "Le massacre dans le village d'Ogossagou a eu lieu quelques heures après que les chefs de village ont alerté les responsables gouvernementaux que l'armée malienne avait quitté un poste créé à la suite du massacre de 150 personnes dans le même village, perpétré le 23 mars 2019, et une heure après qu'un convoi de forces de maintien de la paix des Nations unies avait traversé le village", explique HRW. "Des milices ethniques qui n'ont apparemment aucune crainte d'être tenues pour responsables de leurs actes ont à nouveau tué et mutilé des dizaines de civils", a déclaré Corinne Dufka, directrice pour le Sahel au sein de Human Rights Watch. "Le deuxième massacre à Ogossagou a été particulièrement horrible car l'armée malienne et les forces de maintien de la paix de l'ONU auraient pu l'empêcher", explique-t-elle. Selon le rapport de HRW, la veille de ce nouveau massacre, "les militaires de l'armée malienne se sont retirés de leur poste à Ogossagou sans fournir d'explication aux villageois peuls". Les habitants du village, ayant constaté la présence de miliciens dogons dans les parages, ont appelé les autorités pour leur demander de l'aide. "Des villageois d'Ogossagou et des chefs de la communauté peule à Bamako, la capitale du Mali, ont déclaré avoir urgemment appelé à maintes reprises des autorités maliennes de haut niveau, dont plusieurs ministres, ainsi que la mission de maintien de la paix de l'ONU, la Minusma, afin de les avertir du risque d'une attaque imminente", explique l'ONG, précisant qu'"un convoi de forces de maintien de la paix de l'ONU a traversé le village une heure avant l'attaque, cherchant apparemment le village d'Ogossagou, mais il est parti après que des hommes dogons les eurent vraisemblablement mal dirigés, selon des témoins". Pour Bamako, il s'agissait de "dysfonctionnements tactiques" au sein de son armée qui étaient à l'origine de cette tragédie, dans sa réponse à la requête de HRW, dont le rapport s'est appuyé sur les témoignages des survivants de ce village, de hauts responsables civils et militaires au Mali et de diplomates étrangers. Pour rappel, depuis 2015, plus de 800 civils ont été dans le centre du Mali, "lors de dizaines de massacres à grande échelle de civils peuls perpétrés par des milices dogons et bambaras, ainsi que de nombreux assassinats, y compris des massacres de civils commis par des hommes peuls armés et des groupes armés islamistes", conclut l'ONG, qui promet de rendre publics prochainement les résultats de son enquête.