Les arbitrages budgétaires auxquels est confronté le gouvernement sont complexes compte tenu de l'ampleur de la crise. Dimanche, à l'issue de l'examen, en Conseil des ministres, de la loi de finances complémentaire 2020, le président de la République a demandé la poursuite du débat la semaine prochaine, "afin de mieux enrichir l'avant-projet de loi". Le Conseil des ministres s'est contenté d'approuver à l'issue de cette séance une réduction de 50% du budget de fonctionnement hors salaires, l'exonération d'IRG des revenus inférieurs ou égaaux à 30 000 DA à compter du 1er juin prochain et la revalorisation du SNMG à partir du 1er juin prochain de 2 000 DA pour atteindre les 20 000 DA. Le report de la validation de l'avant-projet de LFC 2020 témoigne bon gré mal gré de la difficulté,pour le gouvernement, d'arbitrer entre les impératifs de rigueur budgétaire, de faire repartir la croissance,tout en gardant un œil sur l'évolution du taux de chômage, de l'inflation et de la dette publique.L'exercice s'annonce à la fois complexe et sensible. Cette loi de finances complémentaire "sera sans doute une des plus difficiles qu'aura eu à élaborer un gouvernement en raison des conséquences qu'elle aura à un terme très proche", estime à juste titre le cabinet d'études et de conseil ECOtechnics, dans une analyse. Ses économistes laissent entendre que le gouvernement est confronté à des choix cornéliens : "Soit un effort de croissance raisonnée des dépenses qui soutiendra les ménages et les entreprises ainsi que la demande publique et contribuera à faciliter la reprise. Soit l'imposition d'une rigueur budgétaire, peut être inutile dans le contexte actuel, et qui conduira à des difficultés de reprise et certainement à des très fortes tensions sociales, difficiles à contenir". Pour ECOtechnics, " même si le gouvernement optait pour le premier scénario, cette crise ainsi que l'amenuisement de la rente pétrolière qui s'annonce, appelleraient désormais une gestion sérieuse du pays, et la mise en œuvre urgente de réformes politiques et économiques reportées depuis des lustres". Le premier scénario auquel fait référence ECOtechnics, et qui semble se dessiner à la lumière des mesures prises par l'Exécutif, plaide pour une baisse raisonnée des dépenses et un plan de reprise, probablement dès l'aboutissement du travail d'évaluation de l'impact de la crise sanitaire sur l'économie réelle. Plusieurs reports Quoi qu'il en soit, l'exercice d'équilibriste auquel s'adonne l'Exécutif se révèle très délicat. D'où le report de l'examen de la LFC 2020 lors du Conseil des ministres du 22 mars 2020, et l'annonce, ensuite, de la poursuite des travaux, pour que l'avant-projet soit enfin examiné en Conseil du gouvernement le 27 avril, puis en Conseil des ministres, dimanche dernier, à l'issue duquel le chef de l'Etat a demandé, à nouveau, d'"enrichir" le texte. Pour les économistes d'ECOtechnics, ces ajournements à répétition "en disent suffisamment long sur l'embarras du gouvernement". Le report peut s'expliquer aussi par l'attente d'un rebond inespéré des cours du brut après l'entrée en vigueur, le 1er mai dernier, des réductions de production des pays siégeant à l'Opep+. Le cabinet d'études constate que malgré un accord "historique" de l'Opep+ pour une baisse de 9,7 millions de baril jour à partir de ce mois de mai, le prix du baril n'arrive pas à se relever et les risques sont grands qu'il se maintienne à un niveau bas jusqu'au début du semestre prochain. Il évoque, également, la baisse en volume des exportations ainsi que de la demande nationale en produits pétroliers. La chute de la production nationale hors hydrocarbures sera, aussi, importante. "Certains secteurs sont à l'arrêt par décision des autorités. C'est le cas du secteur des hôtels, restaurants et cafés, des commerces autres qu'alimentaires, des services (autres que financiers et communication) et des transports publics de voyageurs", indique ECOtechnics. À cause du confinement et de l'arrêt des transports publics, l'activité d'une majorité des autres secteurs est fortement perturbée, en raison des difficultés à assurer le transport des travailleurs ainsi que la distanciation sur les lieux de travail. Aux effets de ce choc de l'offre, il faut s'attendre à une baisse certaine de la demande des ménages. "Pour l'ensemble de l'année, il est clair que la consommation des ménages va baisser", anticipe ce cabinet. C'est dire à quel point les arbitrages budgétaires sont difficiles car ceux-ci doivent prendre en charge aussi bien l'impact du Covid-19 sur l'économie réelle que la chute des prix du pétrole sur les déficits. Pour ECOtechnics, le financement du déficit budgétaire reste entier, mais des solutions existent.