Le déficit budgétaire de 2015 sera très important même avec une loi de finances complémentaire. C'est du moins ce que prévoit le cabinet d'études et de conseil ECOtechnics, dans un article publié sur son site www.conjoncture-dz.com dédié à l'analyse de la conjoncture de l'économie algérienne. Conjoncture-dz indique que la situation des recouvrements de fiscalité, publiée récemment par le ministre des Finances, montre des recettes budgétaires pour 2014 qui ont atteint 5 514 milliards de dinars contre 5 750 en 2013. "Mais ceci est quelque peu trompeur sur la situation des finances publiques", estime le site. Il faut, explique-t-il, se rappeler l'évolution des prix du brut au cours de l'année 2014. "La baisse entamée à partir du pic atteint à la fin juin ne commence à s'accélérer que début octobre. À cette période, le Brent coûtait encore 92 dollars. Il descend ensuite en chute libre à moins de 60 dollars en décembre. Ce n'est donc que vers la fin de l'année que l'évolution des prix est devenue fortement négative", analyse Conjoncture-dz. Pour ce site d'information économique, "il faut tenir compte aussi du fait que les recettes, elles-mêmes, n'enregistrent les nouveaux prix qu'avec un certain différé. C'est encore plus le cas pour le gaz naturel qui est un prix contractuel révisé avec un décalage de quelques mois". La dépréciation du dinar par rapport au dollar a également limité la chute des recettes. "En effet, si en moyenne annuelle cette dépréciation est limitée à 1,5%, la comparaison des taux moyens du 4e trimestre fait ressortir une dépréciation de 6,4%", relève le cabinet ECOtechnics. "Pour ces différentes raisons, les recettes de fiscalité pétrolière auront finalement peu baissé, passant de 3 678 milliards en 2013 à 3 390 en 2014, soit une baisse de 8% seulement. Cette baisse est très légèrement amortie par la hausse des autres recettes budgétaires qui passent de 2 072 milliards à 2124. Au total les recettes budgétaires ne baissent que de 4%", affirme le cabinet. Pour ce dernier, "les chiffres publiés n'étant pas très détaillés, ils peuvent difficilement être comparés aux prévisions de la loi de finances de 2014". Celle-là prévoyait, en effet, des recettes ordinaires de 2 640 milliards, à savoir 2 352 milliards de recettes fiscales et 288 milliards d'autres recettes. "Le montant recouvré des recettes budgétaires non pétrolières publiées est inférieur aux recettes fiscales et bien évidemment aux recettes ordinaires globales. Simple retard de recouvrement ou d'enregistrement ?", s'interroge le cabinet. En ce qui concerne la fiscalité pétrolière, le montant prévu dans la loi de finances est identique. Mais il s'agit évidemment de celle versée au budget (1 577). Le reste est versé au Fonds de régulation des recettes (FRR) dont les prévisions de recettes ne sont pas intégrées à la loi de finances. En 2014, les recettes reversées à ce fonds ont donc totalisé 1 812 milliards de dinars. Les effets de l'évolution des prix pétroliers vont véritablement se faire sentir cette année Selon le cabinet ECOtechnics, ce n'est qu'au cours de 2015 que les effets de l'évolution des prix pétroliers vont véritablement se faire sentir. "En effet, si le prix moyen du Brent a été en 2014 de 99,08 dollars (contre 108,6 dollars en 2013), il a été de moins 50 dollars au cours du 1er trimestre 2015, et rien ne laisse prévoir qu'il remonterait durablement à des niveaux beaucoup plus élevés au cours de l'année. Soit une division par 2 du prix moyen. L'impact sur le budget serait, à ce moment-là, fortement négatif", souligne le site du cabinet ECOtechnics. Selon ce dernier, les recettes budgétaires se situeraient entre 4 200 et 4 500 milliards de dinars, pour un niveau de dépenses de la loi des finances prévisionnel de 8 857. Cela correspondrait à un déficit de près de 4 500 milliards de dinars qui absorberait la totalité des ressources du FRR, que le cabinet estime entre 4 600 et 4 700 milliards de dinars environ à la fin 2014. "Il n'est donc pas étonnant que le gouvernement se soit résolu finalement à préparer une loi de finances complémentaire", indique ECOtechnics. La loi de finances de 2015 tablait sur un budget de fonctionnement de 4 972 milliards de dinars et un budget d'équipement de 3 885 milliards. "Quelles sont les marges de manœuvre que permet ce budget ?", s'interroge-t-il. Le cabinet ECOtechnics estime que "les économies" envisageables à court terme ne pourraient pas dépasser 1 milliard à 1,5 milliard de dinars. "Cela laisserait quand même un montant de dépenses de 7 500 à 7 700 milliards de dinars pour des recettes d'environ 4 500 milliards de dinars, soit un déficit réel d'environ 3 000 milliards. Rapporté au PIB, il va facilement se situer entre 15 et 20%. Dans le même temps, le Fonds de régulation verra rapidement fondre ses ressources", prévoit ECOtechnics. "Cela est loin de signifier la banqueroute évidemment", rassure-t-il, l'Etat algérien est très faiblement endetté (moins de 1 000 milliards de dinars, soit moins de 5% du PIB), et l'endettement reste le mode de financement normal d'un déficit budgétaire. Un endettement de 60% du PIB reste un taux jugé très sain. "Mais des déficits de 15 à 20% du PIB s'en rapprochent vertigineusement. Cela met en exergue la nécessité d'engager très rapidement une réforme budgétaire", conclut le cabinet ECOtechnics. M. R.