Ce qui devait être un simple litige commercial entre la filiale internationale de Sonatrach, Sonatrach Petroleum corporation SPC et la société Electricité du Liban s'est retourné, tel un boomerang, contre la compagnie publique des hydrocarbures. Tout a commencé le 25 avril dernier. Des médias libanais affirment que le responsable local de Sonatrach a été arrêté par la justice dans le cadre d'une enquête en cours sur la livraison, le 25 mars dernier, d'une cargaison de fioul de mauvaise qualité au Liban. Le lendemain, dans un communiqué, Sonatrach a réfuté l'existence d'un responsable de la compagnie au pays du Cèdre. Il s'agissait simplement d'un agent "maritime indépendant, œuvrant pour le compte de SPC", indique Sonatrach, qui reconnaît le litige avec les autorités libanaises. L'affaire prend ensuite une tout autre tournure. Vendredi dernier, une députée très engagée, Paula Yacoubian, organise une conférence de presse sur le sujet. Sans vouloir s'en prendre aux autorités algériennes, elle dénonce un "contrat douteux" signé en 2005 entre le ministre de l'Energie du Liban et le représentant de la société BVI, appartenant à Sonatrach. Relayant des informations du journaliste d'investigation libanais Salem Zahran, elle interpelle publiquement les autorités de son pays sur les tenants et les aboutissants de ce contrat "confidentiel". "Mais pourquoi signer un contrat confidentiel, alors qu'il s'agit d'une transaction commerciale normale ?" s'est-elle interrogée. Cette interrogation mène la députée libanaise à un autre problème : l'existence, mystérieuse, d'une filiale de Sonatrach aux îles Britanniques, un paradis fiscal. Et, renseignement pris, Paula Yacoubian fait le lien entre cette affaire et la présence sur le territoire libanais d'un certain Farid Bedjaoui. "Farid Bedjaoui est recherché par Interpol. Il détient les nationalités algérienne, française et canadienne. Du fait que sa femme est Libanaise, il a fait une demande de naturalisation. Alors que des rapports des services avertissaient la présidence de la République que l'homme était sujet à des poursuites judiciaires, il a obtenu la nationalité libanaise en 2018", dénonce-t-elle. Le lien entre le Liban, Sonatrach et Farid Bedjaoui — et, par ricochet, de Chakib Khelil — ne date pas d'aujourd'hui. Si pour l'heure, il n'y a pas de relation directe entre les deux événements, c'est-à-dire ce qui se passe au Liban et les scandales antérieurs de Sonatrach, beaucoup d'éléments peuvent reconstituer le puzzle. Ainsi, le site d'investigation Global Watch Analysis rappelle que cette société BVI, qui a été dissoute en 1990 et reconstituée en 2007 (au fait du scandale Sonatrach 2), "est représentée par un agent local, du nom de Harneys Corporate Services Limited, qui lui fournit une adresse et une boîte aux lettres, comme il est d'usage dans les paradis fiscaux". Global Watch Analysis rapporte que la filiale de Sonatrach aux îles Vierges britanniques ressemble à une société-écran. Elle est enregistrée dans les îles Vierges britanniques, "mais n'emploie aucun personnel et n'effectue aucune opération sur place". Comme révélé dans les Panama Papers, cette filiale de Sonatrach disposait, jusqu'à ces dernières années, de quatre comptes bancaires. C'est ainsi que, révèle Global Watch Analysis, qui publie les fac-similés des comptes de la société, en décembre 2012, le premier compte, domicilié chez HSBC, était crédité de 923 millions de dollars ; le deuxième, chez Barclays, était doté de 1,32 million de dollars ; le troisième, chez VP Bank, était crédité de 549 mille dollars ; le quatrième, chez Crorebridge Bank Ltd, contenait 215 000 dollars. Nous n'avons pas pu obtenir des éclairages de Sonatrach sur le sujet ; nos tentatives se sont révélées vaines.