"Nous sommes face à une flambée des cas de coronavirus", nous répond l'infectiologue Dr Reddas, sollicitée à décrire la situation qu'il qualifie de catastrophique. N'attendez pas que les autorités procèdent au reconfinement de la région, c'est à nous de nous autoconfiner pour une période d'une quinzaine de jours, seule mesure pouvant nous prémunir contre la pandémie", appellent plusieurs citoyens, lesquels exhortent les services concernés à rendre publiques les statistiques exactes relatives aux cas de contamination et de décès enregistrés. "Nous n'avons rien compris. Que se passe-t-il au juste ? Au moment où l'on enterre chaque jour au moins cinq morts des suites du coronavirus, la cellule d'investigation et de suivi des enquêtes épidémiologiques déclare zéro nouveau cas de contamination à Biskra et sept cas de décès au niveau national. Comment se fait-il que la plupart des sujets atteints par la Covid-19, confinés chez eux, s'en sortent sains et saufs, alors que ceux hospitalisés meurent chaque jour ?", s'interrogent la plupart des habitants de la région, professionnels de la santé y compris, et surtout ceux exerçant à l'hôpital Hakim-Saâdane, lesquels sont exténués, vu le degré de fatigue qui les ronge. "Je suis très fatiguée. Excusez-moi, la situation est très difficile à gérer devant l'afflux important de malades que l'on reçoit chaque jour. Nous avons dans notre hôpital des médecins et infirmiers touchés par la Covid-19. Nous sommes face à une flambée des cas de coronavirus", nous répond l'infectiologue Dr Reddas, sollicitée à décrire la situation. À l'heure où nous mettons sous presse, Dr Yacine Houara, médecin de renom, vient de lancer un appel aux habitants, dans lequel il les invite à se reconfiner, car la situation est catastrophique. "Je suis moi-même atteint de la Covid-19. Plusieurs malades ne cessent de m'appeler au téléphone, demandant conseils. La situation est très dangereuse, restez chez vous et ne sortez qu'en cas de nécessité majeure. Respectez les mesures de protection si vous devez sortir, et n'oubliez pas de porter vos bavettes", recommande-t-il. "Il faut dire que la région est au bord d'une vraie catastrophe sanitaire. Les cimetières de la ville accueillent quotidiennement de nombreux morts. Il y a un manque flagrant de médecins spécialistes et d'équipements médicaux. Les soignants, dont 12 sont contaminés, sont déjà à bout de souffle et commencent à arborer l'étendard de capitulation. Il faut que les pouvoirs publics bougent et fassent quelque chose", nous raconte-t-on à l'hôpital de référence. Après les campagnes de collecte de fonds pour assurer l'approvisionnement de l'hôpital en oxygène dont il enregistre une pénurie criante, la population passe à une autre campagne : fournir les cercueils aux services mortuaires de la même structure, car ils en manquent, vu le nombre effrayant de décès. Des menuisiers et des commerçants de la ville se sont à ce titre solidarisés et ont fourni 15 cercueils et promettent d'en fournir encore d'autres. Pour ce qui est de la pénurie foudroyante d'oxygène qui fait toujours couler beaucoup d'encre, les citoyens ne sont pas restés les bras croisés, ils ont, en un temps record, collecté six millions de dinars pour l'achat de concentrateurs d'oxygène et des manodétendeurs pour bouteilles avec barboteurs. Et c'est ce qui a été fait, selon nos sources hospitalières. Les décès se poursuivent de jour en jour, et nul n'en est maintenant à l'abri. Après la perte de quatre membres de la famille Hamel (deux jeunes frères et leurs parents), cheikh Yazid Aloui, imam de la mosquée du quartier El-Boukhari et ancien secrétaire du bureau de wilaya du parti Ennahda, Abdelhak Hassani et Lazhar Djezar, respectivement inspecteurs de l'éducation nationale, viennent de rendre l'âme pour les mêmes raisons. Le défunt Lazhar Djezar, faut-il le rappeler, est décédé dans des circonstances dramatiques. "Faute de lits à l'hôpital, il a passé trois heures dans une ambulance de la Protection civile avant de succomber", raconte un témoin oculaire. Face à la situation désastreuse, une enquête judiciaire vient d'être diligentée concernant notamment la pénurie subite d'oxygène provoquant ce nombre effrayant de décès, avons-nous appris de source crédible. Par ailleurs, eu égard au "silence des responsables", et pour limiter la propagation de la pandémie, certains commerçants ont volontiers procédé à la fermeture provisoire de leurs magasins. Attendant qu'une solution miracle soit trouvée, les responsables dans la wilaya de Biskra continuent d'accuser les foules nombreuses d'être à l'origine de l'aggravation de la situation. Quant aux citoyens, c'est plutôt "les lacunes des responsables" enregistrées dans la gestion de la crise qui contribuent à rendre catastrophique la situation.