Un échange d'accusations mutuelles entre le gouvernement malien et les groupes signataires de l'Accord d'Alger empêche sa mise en œuvre dans un climat d'apaisement. La signature en mai-juin 2015 de l'accord de paix et de réconciliation au Mali avait ouvert une voie de sortie de crise dans ce pays du Sahel, après trois ans de rébellion touarègue dans le Nord. Force est de constater, cinq ans plus tard, que peu de progrès ont été réalisés sur le terrain politique et sécuritaire. Pis, les violences terroristes et intercommunautaires n'ont jamais été aussi nombreuses comme aujourd'hui, avec près de 600 victimes civiles et militaires depuis le début de l'année, selon un récent rapport de l'ONU, qui dénombre des dizaines d'exécutions arbitraires et extrajudiciaires dans le centre du Mali. La dernière en date remonte à mercredi, dans la région du Mopti, où au moins 32 personnes ont été tuées lors d'une attaque qui a pris pour cible quatre villages, selon des sources locales. Dans le nord du pays, à dominante touarègue et d'où est partie l'ancienne rébellion du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) en 2012, l'autorité de l'Etat malien peine à être rétablie. Le gouvernement de Bamako accuse régulièrement la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) de non-respect de ses engagements, dans le cadre de l'accord de 2015, issu du processus d'Alger qui avait débuté de manière effective durant l'été 2013. Alors que la CMA (ex-rébellion) s'est engagée à respecter l'unité territoriale du Mali, Bamako accuse les anciens rebelles de mener des actions illégales et qui sont du ressort du gouvernement. C'est le cas de la grâce accordée, en mai dernier, à une dizaine de détenus à Kidal par la CMA, justifiant de tels agissements par le souci d'éviter d'éventuelles contaminations au coronavirus, dans une région où le système de santé tient à un bout de fil grâce à la présence d'organisations humanitaires indépendantes et de l'ONU. Crise sécuritaire VS crise politique à Bamako À ces violences armées s'ajoute aujourd'hui une nouvelle crise politique mettant en jeu l'avenir de l'actuel président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), dont la réélection pour un deuxième mandat avait été en partie expliquée par les présumées avancées qu'il a réalisées pour le retour de la stabilité dans le pays. Née des dernières législatives (29 mars et 19 avril 2020), qui ont permis au parti au pouvoir d'asseoir sa majorité au Parlement, cette crise n'est que la résultante du retard pris dans la mise en œuvre de l'Accord d'Alger, qui a pour conséquence le retour de l'insécurité dans le nord du Mali et la multiplication des violences terroristes et intercommunautaires dans le centre du pays, frontalier avec le Niger et le Burkina Faso. Ce glissement sécuritaire a conduit l'opposition à réclamer depuis début juin la démission pure et simple du président IBK. Réunie autour de ce qui est appelé le Mouvement du 5 juin, la coalition de l'opposition que conduit le prédicateur Mohamed Dicko ne cesse de grossir ses rangs, mettant en alerte les organisations régionales, continentales et internationales, qui se sont dépêchées à Bamako pour tenter une médiation. Mais l'opposition reste intransigeante et pose ses conditions, maintenant la pression à travers les manifestations de rue qu'elle organise presque chaque vendredi dans la capitale malienne et dans plusieurs autres villes du pays. Mercredi, cette coalition a rendu public un mémorandum réitérant sa détermination à poursuivre son mouvement pacifique de contestation jusqu'à la démission d'IBK, menaçant d'aller jusqu'à la désobéissance civile. Toutefois, au palais de Koulouba, la démission du président n'est pas à l'ordre du jour et constitue une ligne rouge pour Bamako et un point essentiel sur lequel la médiation internationale butte pour convaincre l'opposition à entamer un dialogue constructif pour éviter une nouvelle vacance du pouvoir. Du côté de la CMA, certains de ses dirigeants alertent sur les dangers d'une nouvelle crise politique à Bamako, menaçant d'un retour à la case départ : réactiver le projet de l'indépendance de ce qu'ils appellent l'Azawad.