Nul ne donnait cher de la peau d'Oussama Ben Laden, le patron de la mouvance Al Qaïda, lorsqu'il était cerné par les forces spéciales US dans les montagnes enneigées de Tora Bora en décembre 2001. Après la chute du régime des talibans qui gouvernait l'Afghanistan et les meurtriers attentats d'Al Qaïda en septembre 2001 à New York, les Etats-Unis mirent le paquet dans les opérations de recherche du chef de cette nébuleuse. Selon les informations obtenues par le New York Times auprès d'officiels US et rapportées également par le quotidien arabophone paraissant à Londres Asharq al Awsat, les forces spéciales américaines ont fini par le localiser dans les massifs montagneux de la région de Tora Bora au sud-est de l'Afghanistan vers la frontière pakistanaise en octobre 2001. C'est au milieu de ces montagnes d'accès fort difficile que Oussama Ben Laden avait établi son état-major. Un quartier général digne de ce nom Pour résister au dur climat, notamment en hiver, où il fait un froid difficilement supportable dans ses monts enneigés, il n'a pas lésiné sur les moyens. En effet, il y a lieu de dire qu'il ne s'est pas privé de construire dans les grottes des installations dignes d'une direction d'une armée, pour les quelque 2000 hommes composant ses forces. En effet, selon les témoignages recueillis auprès de soldats US ayant visité les lieux après son occupation, des groupes électrogènes ont été mis en place pour éclairer les constructions à l'intérieur des grottes et les doter d'air conditionné, pour éviter tout problème respiratoire pour les occupants. Ces dernières étaient équipées de moyens ultra-modernes, notamment d'armes sophistiquées, dont ne disposaient pas les soldats américains à en croire un officier supérieur US, qui faisait partie de l'expédition de recherche. Opérant minutieusement, les forces spéciales créées par les stratèges du Pentagone ont pratiquement pris en étau le quartier général de Ben Laden et ses hommes en décembre 2001. Washington s'est alors frottée les mains, pensant qu'elle allait bientôt mettre la main sur son ennemi numéro un. Un des généraux menant l'opération était quasi certain qu'il n'allait pas tarder à éliminer la tête pensante du réseau Al Qaïda ou du moins le mettre derrière les barreaux, si jamais il est capturé vivant. L'habileté et le pouvoir de l'argent C'était sans tenir compte de l'habileté et la stratégie de celui qui terrorise l'Amérique et l'Occident de manière générale depuis plusieurs années. Assuré du soutien des habitants de cette zone montagneuse, à savoir les Pachtounes, Oussama Ben Laden n'allait pas rencontrer beaucoup de difficultés pour se sortir indemne du guêpier des Américains. Il commença d'abord par raffermir ses relations avec les tribus pachtounes, au point où il se promenait allègrement à Jalalabad, le chef-lieu de la région. Connaissant parfaitement les difficultés au quotidien de cette population confrontée à la rudesse du paysage, le chef d'Al Qaïda montra alors à sa manière toute sa gratitude à ses hôtes lors d'une cérémonie organisée dans un édifice public de Jalalabad. Ce jour, il remit aux responsables des tribus des enveloppes blanches pour chaque famille contenant des sommes en monnaies locales, la roupie, d'une valeur allant de 300 à 10 000 dollars US. Déjà acquis à la cause de Oussama Ben Laden par conviction, les Pachtounes devenaient ainsi par la grâce du billet vert des inconditionnels et des soutiens précieux dans son opération visant à déjouer les plans américains. Entre-temps, les responsables des forces spéciales américaines avaient réussi à nouer des contacts indirects avec Al Qaïda dans la perspective d'une reddition. Ben Laden file entre les mailles Il n'en fallait pas plus à Ben Laden pour s'assurer les services d'un officier supérieur US et obtenir son concours pour passer entre les mailles tendues les soldats américains, qui cernaient ses positions. Grâce à ses intermédiaires dans les négociations, il aurait réussi à soudoyer cet officier supérieur. Ce dernier se serait arrangé par la suite pour lui ouvrir une brèche dans les lignes américaines. Selon les témoignages de cette époque, près d'un millier d'hommes d'Al Qaïda ainsi que Ben Laden auraient disparu comme par enchantement en une nuit du repaire encerclé par les forces spéciales US. Cela se serait produit dans la nuit du 12 décembre 2001, d'après le récit d'un officier ayant pris part à l'opération. Ce fait vient conforter l'hypothèse d'une trahison dans les rangs de cette force spéciale de l'armée américaine chargée de réduire à néant le réseau de celui qui terrorise l'Amérique. Rien ne peut expliquer une telle défaillance dans un système minutieusement mis en place par les stratèges du Pentagone. K. ABDELKAMEL