Liberté : Finalement, l'incendie qui a touché le secteur de Tala Guilef a été maîtrisé. Pouvez-vous revenir succinctement sur cette catastrophe ? Abdelaziz Mehdi : Nous ne sommes qu'au début de l'été. Nous redoutons des catastrophes similaires à cause de l'inconscience de certains citoyens, d'autant plus qu'en cette période estivale de nombreux campeurs viennent bivouaquer et installer leurs tentes anarchiquement dans tout le périmètre du secteur de Tala Guilef. Quant aux dégâts de cet incendie, ils sont évalués à 200 ha anéantis par les flammes. Il s'agit de 135 ha de broussaille, de 20 ha de chêne vert, de 30 ha d'oliviers et une quinzaine de ruches. L'incendie a touché des terres privées et domaniales. Y a-t-il eu d'autres dégâts ? Fort heureusement, il n'y a pas eu des victimes. Par contre, une grande partie de mammifères vivant dans ce massif forestier a été décimée par les flammes. Certains animaux ont essayé de fuir, mais ils ont été pris au piège. La réserve faunistique perd de plus en plus d'espèces à cause de plusieurs facteurs dont les feux déclarés dans le PND chaque année. Si le PND continue à subir tant d'agressions, il risque de perdre son statut de biosphère protégée par l'Unesco. Quels sont les moyens mobilisés pour venir à bout de l'incendie ? Pour lutter contre les flammes propagées rapidement par des vents violents, tous les moyens de l'Etat ont été mobilisés en plus de ceux du PND. Les deux colonnes mobiles de la Protection civile de Tizi Ouzou et de Bouira, aidées par les agents forestiers et même des éléments et des moyens de l'ANP, ont été d'un grand apport pour combattre ce gigantesque incendie. Il y a eu aussi les habitants des villages environnants qui ont pris part à ce combat avec des moyens dérisoires. Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre mission de surveillance de ce vaste territoire qu'est le massif de Tala Guilef ? Je tiens à préciser que le secteur de Tala Guilef s'étend sur 5400 ha sur un total de 18 500 ha que comprend tout le PND tous secteurs confondus. Pour surveiller une telle superficie, nous n'avons que 8 agents dont 3 sont des administratifs. C'est pour dire que nos moyens humains sont dérisoires et limités. Quelle est, à votre avis, la solution pour éviter des catastrophes similaires à l'avenir ? Nous ne cessons d'appeler à la prudence et à la vigilance de tout un chacun. Peu avant cet incendie, nous avons mené une vaste campagne de sensibilisation à l'intention des campeurs à l'intérieur de notre secteur, avec la participation de plusieurs autres services. Nous les avons alertés au sujet des risques que peuvent induire ces campements sauvages, notamment à propos des barbecues qui constituent une véritable menace en cette période estivale. Cependant, nous avons constaté que cette campagne n'a pas eu l'écho escompté. Il y a toujours des récalcitrants et des récidivistes. Le citoyen constitue donc, d'après vous, un élément central dans la protection de ce parc ? Le Parc national du Djurdjura avec toute sa diversité faunistique et florale est un patrimoine commun. Chacun de son côté devra être vigilant parce qu'au rythme des ravages qu'il subit chaque année, ce patrimoine risque de disparaître et il faudra des siècles pour le reconstituer. Le civisme de tout un chacun est plus que nécessaire. Cessons d'agresser la nature en général et le PND en particulier. J'appelle aussi les populations riveraines à désherber tout autour de leurs habitations en mettant en place des tranchées afin d'éviter la propagation en cas d'éventuels départs de feux de forêt et aussi les volontaires à nous aider dans la lutte contre les incendies. Il est insensé de voir des personnes filmer la catastrophe pendant que des centaines de personnes mettent leur vie en danger en combattant les flammes.