Il s'agit d'une ferme innovante ou vitrine qui se veut une véritable plateforme participative d'apprentissage et de vulgarisation des bonnes pratiques agricoles au profit des producteurs Liberté : Quelles sont les raisons qui vous ont motivé pour la réalisation du projet de la ferme pédagogique "La Clé des oasis" ? Mohamed Bouchentouf : La réalisation du projet de la ferme innovante ou d'avenir "La Clé des oasis" est une initiative qui date depuis plusieurs années après un riche parcours professionnel en tant que cadre en Algérie et à l'internationale. En tant qu'agent de développement, j'ai pu mettre mes compétences et mon expertise au profit des communautés rurales dans un grand nombre de pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine sans oublier mon pays, l'Algérie, concernant des projets de recherche et de développement agricole et rural innovants. Mon souhait personnel a été de créer un jour dans une région du Grand-Sud une ferme innovante ou vitrine qui se veut une véritable plateforme participative d'apprentissage et de vulgarisation des bonnes pratiques agricoles. Pourquoi avoir choisi le Sud pour lancer un tel projet ? Ce n'est pas par hasard que j'ai choisi la région naturelle du Gourara située dans le Grand-Sud algérien. La présence dans la wilaya d'Adrar d'un grand nombre d'organismes et institutions spécialisés, de centres de recherche et de centres de formation tels que l'Université africaine Ahmed-Draïa, l'Institut de technologie moyen agricole spécialisé en agriculture saharienne, l'Antenne du Commissariat au développement de l'agriculture des régions sahariennes, l'Antenne de l'Institut technique de développement de l'agronomie saharienne, la Chambre de l'agriculture, la Direction des services agricoles, la Conservation des forêts, l'Agence nationale des ressources hydrauliques-Direction régionale du Sud, la Délégation de l'Agence du bassin hydrographique du Sahara et l'Observatoire de la foggara, la Direction de l'hydraulique, la Direction de l'environnement, la Direction de l'Education nationale constituent un partenariat durable et un atout majeur pour la réussite de notre projet. Pour ce qui est de la spécificité de la région, en plus de la production de quelques variétés de fruits et légumes, de plantes condimentaires et aromatiques, de cultures céréalières et fourragères, il s'avère qu'il existe des variétés de dattes qui sont équivalentes sinon supérieures à la Deglet Nour. Il suffit seulement de s'intéresser à leurs conditions de production, de récolte et de commercialisation, ainsi que d'autres variétés qui constituent une matière première pour la production de dérivés chers actuellement importés. De plus, la région du Gourara recèle un important patrimoine paysager, historique, architectural, culturel, touristique, environnemental et économique à préserver, à valoriser et à intégrer à l'économie nationale. Que peut apporter ce projet pour l'agriculture saharienne qui a concrétisé des performances certaines en termes de production et de productivité et, surtout, de qualité ? Ce projet vient se greffer à toutes les bonnes initiatives qui ont eu lieu ou sont en cours, visant le développement humain à travers le renforcement des compétences techniques, agronomiques et économiques des agriculteurs, l'exploitation rationnelle et la maîtrise de la gestion des ressources naturelles. La mission principale de cette ferme est l'accompagnement technique et commercial des oasiens. Je rappelle que les bénéfices agronomiques consistent surtout en une augmentation conséquente de la productivité des cultures avec une diversification des cultures et des variétés adaptées au dérèglement climatique, ainsi que le perfectionnement de la qualité des fruits et légumes. Quant aux bénéfices environnementaux, nous nous attendons à une amélioration de la santé et de la productivité des sols qui sont très pauvres en humus, à la protection et au maintien de la fertilité, ainsi qu'à une économie d'eau et d'énergie électrique. D'autres avantages peuvent se greffer, tels que l'économie des terres, d'intrants, de temps avec une réduction de la pénibilité de travail. Ce modèle novateur, une fois généralisé, favorise le développement économique régional, c'est-à-dire qu'il va permettre à la région un approvisionnement régulier. Il favorise aussi le développement des activités en aval et la recherche des débouchés à la production dans la région, le reste du pays et à l'étranger, bien sûr, si la compétitivité le permet pour une large gamme de légumes biologiques de saison, contre-saison, primeurs et extra-primeurs et de fruits, notamment pour des variétés de dattes spécifiques à la région. L'aspect écologique semble avoir une place prépondérante dans ce projet agricole. Pourquoi ? L'objectif majeur est de concevoir et de construire un modèle agroécologique familial et d'entreprise autour de concepts écologiques et innovants, de modèles de développement adaptés aux changements climatiques qui aident les agriculteurs à retrouver le compromis entre la performance économique, la qualité de la vie et la gestion des ressources naturelles. L'aspect écologique joue un rôle important et occupe une place prépondérante dans ce projet agricole prometteur. C'est un modèle économique respectueux de l'environnement et résilient aux changements climatiques. Nous devons savoir que l'atout majeur dans le Sahara est le soleil, et que l'optimisation du couple eau/soleil est notre préoccupation. Il est prévu dans le plan d'actions de la ferme, l'utilisation de biostimulants naturels fabriqués à partir de plantes. Ce sont des biofertilisants et des biopesticides qui nous mènent vers la promotion et le développement de l'agriculture biologique. Comment comptez-vous dynamiser les territoires au Sud et l'économie locale avec des innovations biotechnologiques à travers ce projet ? C'est à travers le transfert de technologies innovantes et écologiques, la vulgarisation des bonnes pratiques agroécologiques, le Conseil agricole, l'appropriation des connaissances techniques, économiques et environnementales, ainsi que la diffusion des résultats obtenus dans la ferme vitrine, que nous pouvons développer une agriculture productive adaptée et redynamiser l'économie locale au niveau d'un territoire donné. Comme je l'ai souligné au début, le partage d'informations techniques entre les agriculteurs, le lien entre le savoir-faire des paysans et le savoir scientifique peuvent contribuer à la dynamisation des territoires visant une autonomie des agriculteurs et une autoproduction pour une auto-alimentation saine à la portée de tous. Dans notre démarche, il a été organisé à la micro-ferme écologique et innovante "la Clé des oasis" de Timimoun deux colloques internationaux au mois d'octobre 2018 et 2019 ayant pour thème : "L'agroécologie en milieu hyperaride à l'aune de la révolution numérique contemporaine." Peut-on alors parler d'une oasis numérique fondée sur la tradition et le high-tech ? Oui, exactement. Les projets transversaux portés par notre équipe embrassent de multiples périmètres et secteurs d'activités. De la modélisation agroécologique in situ, au partage des savoirs techniques et scientifiques en passant par la recherche-action et l'association des savoirs ancestraux aux techniques contemporaines, notre objectif ultime reste la préservation des revenus paysans dans un écosystème protégé. Ces deux manifestations scientifiques et techniques ont regroupé de jeunes étudiants universitaires, chercheurs, porteurs de projets, agriculteurs, développeurs et professionnels du secteur de l'agriculture et du développement rural. Nous ne nous arrêterons pas à ces deux premiers événements qui seront suivis au courant des prochaines années par d'autres rencontres autour de thèmes fédérateurs qu'organisera la ferme innovante "la Clé des oasis ou Miftah el-wahate" en partenariat avec un grand nombre d'acteurs concernés au niveau national et international.