S'il est entendu que les autorités ne peuvent assumer ce cuisant revers, il est à se demander s'il ne les contraint pas à adopter désormais une nouvelle approche de sortie de crise. Le constat est presque unanime : les résultats du référendum populaire sur la révision de la Constitution sont, sans aucun doute, un camouflet pour le régime qui espérait se relégitimer à travers ce scrutin et tourner la page du "Hirak". Ce revers, un de plus, traduit l'ampleur de la défiance de la population à l'égard d'une initiative politique présentée pourtant comme la panacée à la crise multiforme qui secoue le pays et une réponse aux aspirations profondes du Hirak. Il dit aussi que la "feuille de route" entamée par la présidentielle dans des conditions contestées de décembre 2019, est appelée désormais à être "revue et corrigée". Mais, face à ce qui apparaît comme une grande impasse, la présidence de la République, dans une démarche autant curieuse qu'inexpliquée, semble y trouver plutôt matière à satisfaction. "Les résultats annoncés par l'Autorité nationale indépendante des élections sont l'expression réelle et intégrale de ce que le peuple a voulu. Ils démontrent que Monsieur le président de la République a tenu ses engagements pour qu'enfin soit entamé le processus qui permette l'expression libre et démocratique du peuple algérien sur tout ce qui concerne son destin", a indiqué lundi soir la présidence de la République dans un commentaire qui interroge sur ses motivations dans la mesure où le chef de l'Etat est toujours en Allemagne pour des soins. "Dorénavant, et dans la continuité des élections du 12 décembre 2019, toutes les élections seront l'expression des aspirations de ce que souhaite le peuple algérien pour son avenir." En décodé : ce résultat est une preuve de "transparence et de régularité" du scrutin. Et que désormais toutes les consultations électorales seraient "libres" et conformes aux aspirations du peuple. Mais point de commentaires sur la participation rachitique qui disqualifie son offre politique. S'il est entendu — encore plus pour un régime habitué à l'autoglorification et qui ne se sent pas comptable devant la population — que les autorités, à commencer par l'Exécutif, ne peuvent assumer ce cuisant revers, il est à se demander s'il ne les contraint pas à adopter désormais une nouvelle approche de sortie de crise. En d'autres termes : vont-elles enfin se décider à résoudre la crise au lieu de persister à la gérer ? Pour avoir tourné le dos aux multiples propositions de sortie de crise formulées par l'opposition et par de nombreuses personnalités politiques de premier plan, le régime a non seulement fait perdre au pays deux précieuses années, mais aussi amplifié la crise. C'est ainsi qu'au lieu de changer de système de gouvernance, comme réclamé par le mouvement populaire, le pouvoir a imposé une présidentielle contre vents et marées. Puis, faute d'une transition, il propose une Constitution adoubée par une base politique, celle-là même qui est rejetée par le mouvement populaire. Résultat des courses : un pays qui se retrouve, près de deux ans après le début du "Hirak", avec une Constitution massivement rejetée dans un contexte de crise de confiance aiguë — aggravée par les arrestations et la fermeture politique et médiatique — et à multiples défis, politique, sanitaire, économique et sécuritaire. Une situation qui risque encore de se corser davantage si d'aventure le chef de l'Etat ne reprend pas du service de sitôt avec ce que cela implique comme chamboulement dans l'agenda projeté. Le pouvoir va-t-il enfin tirer les leçons qui s'imposent à la lumière de la nouvelle donne ? Ou persistera-t-il dans sa "feuille de route" qui, il faut bien en convenir, fait fausse route ? À moins de jouer le destin du pays à la roulette russe, le pouvoir est désormais mis en demeure d'écouter les clameurs du peuple et de traduire dans les faits ses aspirations. Il y va de la stabilité du pays. Karim Kebir