Le ministre des Finances a confirmé que le gouvernement recourra à des mécanismes de politique monétaire pour faire face au creusement des déficits publics. Conjuguer rigueur budgétaire et relance de la croissance ne va pas forcément de soi en cette période de crise où le concours de l'Etat est réclamé sur tous les fronts pendant que le déficit budgétaire file à des niveaux insoutenables. Le gouvernement ne renonce pas pour autant à sa politique d'expansion budgétaire. Le financement du déficit a été la question qui a soulevé le plus de questionnements des membres de la Chambre basse du Parlement, lors des débats du projet de budget pour 2021. S'exprimant avant-hier au terme de l'adoption du projet de loi de finances 2021 par les députés, le ministre des Finances, Aymen Benabderrahmane, a indiqué que le gouvernement recourra à la mise en œuvre de mécanismes de la politique monétaire stipulés dans la loi sur la monnaie et le crédit, en concertation avec la Banque d'Algérie, en sus d'un retour au marché financier. En clair, il s'agit, d'après le ministre, d'utiliser une partie des réserves et affectations constituées par la Banque centrale et du placement d'une partie des fonds propres de la Banque d'Algérie en bons du Trésor, conformément à l'article 53 de l'ordonnance n°03-11 relative à la monnaie et au crédit, en sus de la dynamisation du marché des bons du Trésor, à travers le rachat d'importants crédits bancaires communs, et le refinancement des bons du Trésor émis en contrepartie du rachat de ces crédits. Le ministre revient ainsi à la charge pour dire l'avantage qu'offre la soupape monétaire pour dégonfler le déficit budgétaire. Aymen Benabderrahmane a justifié la hausse du déficit budgétaire par le caractère incompressible des dépenses de fonctionnement qui, comparées au budget de l'actuel exercice, devraient croître de 11,8% en 2021. Le budget d'équipement connaîtra à son tour une hausse de 6,8% par rapport aux dépenses prévues dans la loi de finances complémentaire de 2020. Le déficit prévisionnel pour 2021 s'alourdit ainsi de 807,9 milliards de dinars, à -2 784,8 milliards de dinars, en raison, essentiellement, du "caractère incompressible" de certaines dépenses de fonctionnement, dont les transferts sociaux qui caracolent à plus de 1 927 milliards de dinars (9,4% du PIB) dans le projet de budget pour 2021, en hausse de 4,3% par rapport à 2020. Pour y faire face, le ministre des Finances dit compter principalement sur les éléments de politique monétaire, sans pour autant détailler les solutions envisagées. Des réserves à mobiliser Chabane Assad, analyste financier et fondateur du cabinet Finabi Conseil, estime que la Banque d'Algérie pourrait mobiliser pour le compte du Trésor public 1 500 milliards de dinars via le mécanisme d'utilisation d'une partie des réserves et affectations constituées antérieurement par la banque des banques. Ce mécanisme de financement est jugé par l'analyste financier comme étant sain. Les deux autres mécanismes à savoir l'utilisation d'une partie des fonds propres de la Banque d'Algérie en bons du Trésor ainsi que le rachat des crédits bancaires communs et le refinancement des bons du Trésor émis en contrepartie du rachat de ces crédits créeront de la liquidité sans contrepartie. Chabane Assad propose un autre mécanisme en remplacement des deux mécanismes qui créent de la liquidité ex nihilo. Le mécanisme proposé par l'analyste financier consiste à distribuer une partie des réserves de Sonatrach à hauteur de 2 000 milliards de dinars. Sonatrach dispose de 5 000 milliards de dinars de réserves selon le dernier rapport financier du groupe. "Toutefois, Sonatrach ne procédera pas au paiement de ces dividendes à court terme. La créance du Trésor sur le groupe pétrolier sera titrisée et les titres financiers que le Trésor public émettra sur le marché interbancaire aura comme sous-jacente la créance détenue par le Trésor public sur Sonatrach. Ces titres seront transigés et cédés aux banques commerciales. Ces dernières pourront refinancer ces titres auprès de la Banque d'Algérie en utilisant les mécanismes de la politique monétaire. Assad Chabane estime que cette solution est plus saine car in fine, le secteur bancaire aura un collatéral (une contrepartie), la créance du Trésor public sur le groupe pétrolier. Les réserves à distribuer par Sonatrach seront payées sur la durée de vie des titres. Ainsi, l'équilibre financier de Sonatrach ne sera pas altéré", explique le fondateur de Finabi Conseil. La solution monétaire n'est pas l'unique recours du gouvernement, puisque le ministre des Finances avait expliqué la semaine dernière que le gouvernement travaille, entre autres, sur un texte juridique encadrant les PPP (partenariats public-privé) pour la réalisation et la gestion des projets d'équipement. Ali TITOUCHE