Joie et soulagement pour plusieurs Algériens résidant en France et pour leurs proches restés bloqués en Algérie. Le conseil d'Etat a suspendu, jeudi dernier, le gel des visas de regroupement familial pour les conjoints et les enfants des étrangers extra-européens établis en France. Le juge des référés du Conseil d'Etat a estimé que "le gel des visas porte une atteinte disproportionnée au droit de vie familiale normale et à l'intérêt supérieur des enfants". Pour rappel, le gouvernement français a décidé, dès le 18 mars 2020, de limiter la circulation dans l'Hexagone des personnes en provenance de l'étranger. Or, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat dans un communiqué, cette mesure n'a pas été appliquée à tout le monde. "Si depuis cette date les conjoints et les enfants de citoyens français ou européens peuvent toujours entrer en France pour les rejoindre, les membres de la famille des ressortissants des autres nationalités résidant en France ne le peuvent plus, sauf à de rares exceptions." Outre son caractère discriminatoire, la décision de geler les visas, selon le Conseil d'Etat, n'a pas une grande incidence sur la propagation du virus de la Covid-19. "Le juge des référés relève que le nombre des personnes bénéficiant du regroupement familial équivaut en temps normal à 60 personnes par jour. L'administration n'apporte pas d'éléments montrant qu'un tel flux pourrait contribuer de manière significative à une augmentation du risque du Covid", précise l'institution dans son communiqué. Elle estime que les mesures de dépistage et d'isolement, qui ont été prises pour faire face aux nouveaux variants du virus, peuvent être appliquées aux bénéficiaires du regroupement familial. Le juge des référés a conclu sa décision en émettant "un doute sérieux" sur "la légalité" de la mesure de gel des visas, en remarquant qu'elle ne prévoit pas de dérogation pour les bénéficiaires du regroupement familial. Un groupe de requérants constitué de neuf ONG d'aide aux étrangers et de lutte contre le racisme, comme la Cimade, France terre d'asile et la Ligue des droits de l'Homme, des syndicats et de ressortissants étrangers concernés, avait saisi le Conseil d'Etat à la mi-décembre pour demander la suspension du gel des visas de regroupement familial. Le recours au Conseil d'Etat a été décidé à la suite du rejet par le tribunal administratif de Nantes de plusieurs demandes de suspension, présentées principalement par des ressortissants algériens et soutenues par le Syndicat des avocats de France (SAF). Les requérants ont également reçu l'appui de plusieurs parlementaires, dont le député de la République en marche, Hubert-Jean Laferrière. Celui-ci s'est félicité sur son compte Twitter du contenu de la décision du Conseil d'Etat. "Je suis heureux de ce dénouement tardif, mais victorieux pour chacune et chacun d'entre vous. La justice triomphe enfin", a-t-il écrit jeudi soir. Les membres du groupe facebook "Visa regroupement familial" ont également exprimé, nombreux, leur soulagement. Un troisième sit-in qui devait avoir lieu devant le Conseil d'Etat aujourd'hui a été tout naturellement annulé.