En moins de 24 heures, l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (Arav) prononce simultanément les décisions de suspension de deux émissions de télévision, diffusées par deux chaînes privées : Ennahar TV et Echourouk TV. Cette promptitude soudaine à sévir contre "les dépassements professionnels et éthiques" reprochés à ces deux médias sonne-t-elle la fin de l'impunité pour des chaînes de télévision qui continuent de faire les choux gras de la vox populi qui n'a eu de cesse de manifester son aversion à l'égard des contenus médiocres et parfois dégradants ? Car si "la course à la célébrité et à l'audience a eu pour conséquence un traitement superficiel et aléatoire", comme justifié par l'Arav dans son communiqué, est de notoriété publique, la versatilité et la propension à la servitude d'une multitude de canaux qui ont fait fi des règles élémentaires de l'objectivité journalistique ne le sont pas moins. Même "l'impartialité des personnes morales exploitant les services de communication audiovisuelle relevant du secteur public", en tant que critère relevant des missions de veille de l'Arav, est foulée aux pieds, y compris par la télévision publique. L'on se rappelle, à ce titre, les calomnies éhontées dont a fait l'objet le défunt moudjahid Lakhdar Bouregâa par la télévision publique, relayée, pour la même besogne, par des chaînes privées dont Echourouk TV et Ennahar TV. Ces deux dernières qui viennent justement d'être recadrées par l'Arav qui a pris, jeudi, la décision de suspendre définitivement l'émission "Ma wara'e El-joudrane" (Derrière les murs) d'Ennahar TV estimant que "ce programme a souvent dévié de ses objectifs" et rappelant que "de nombreux avertissements ont été adressés à la chaîne quant à ses contenus qui suscitent une polémique au sein de la société et des réactions de colère, voire des condamnations". Considérant que le programme en question a ouvert la voie à "des individus versant dans le charlatanisme et la superstition, et tentant d'abrutir le téléspectateur", l'Autorité de régulation de l'audiovisuel a également fait injonction à cette chaîne de se "soumettre aux lois régissant l'activité audiovisuelle et à la déontologie". Le communiqué de l'Arav n'y va pas avec le dos de la cuillère et enfonce davantage Ennahar TV en soulignant une sorte d'obstination de la part de cette dernière "à aborder des tabous et des problèmes sociaux portant atteinte à la morale et aux valeurs sociales", réitérant la nécessité "de promouvoir la scène médiatique, de préserver la dignité du citoyen et de respecter les règles d'éthique et de déontologie" et déplorant "l'instrumentalisation de certains cas sociaux en tant que phénomènes sans aucune référence à des études scientifiques et à des statistiques exactes". Le propriétaire de cette chaîne qui n'est autre que Mohamed Mokadem, plus connu sous le pseudonyme d'Anis Rahmani, est actuellement incarcéré à la prison de Koléa, pour avoir notamment enregistré et diffusé une communication téléphonique entre lui et un officier supérieur de l'armée et également d'avoir bénéficié d'indus privilèges et de détention de comptes bancaires à l'étranger. L'on se rappelle qu'en 2017, un canular de mauvais goût, une caméra cachée qui avait ciblé l'écrivain Rachid Boudjedra qui a été humilié par cette chaîne, avait provoqué un tollé général et suscité l'indignation d'intellectuels, d'hommes politiques et de citoyens anonymes qui n'avaient pas hésité à appeler à la fermeture de cette chaîne. "Un reportage", réalisé un peu plus tôt dans l'intimité des cités universitaires pour jeunes étudiantes, empruntant des raccourcis journalistiques douteux et instrumentalisant la précarité de pauvres résidentes, avait, lui aussi, scandalisé l'opinion publique et révolté la communauté universitaire. Concernant Echourouk TV, l'Arav a suspendu, depuis mercredi dernier, l'émission "Li fat mat", et ce, pour des "dérives professionnelles et éthiques dans le numéro traitant de l'histoire relative à deux filles et à leur père diffusée le 6 janvier", comme le souligne le communiqué de l'Arav. La même source souligne que "l'Autorité de régulation de l'audiovisuel, qui n'a eu de cesse de rappeler à travers ses communiqués l'impératif d'assumer la responsabilité sociale de consécration d'une information pertinente et constructive, a décidé de suspendre l'émission ‘Li fat mat', et appelle les journalistes au strict respect de l'éthique professionnelle, des dispositions des services de communication audiovisuelle ainsi que de toutes les exigences légales liées à leur activité". L'Arav a également mis l'accent sur le fait que "le traitement de tels sujets sensibles et complexes exige du professionnalisme et la mise à contribution de spécialistes capables d'apporter un plus aux téléspectateurs et de proposer des solutions concrètes à ces phénomènes, ce qui n'a pas été fait lors de cette émission qui a provoqué l'effet inverse et attenté à la sacralité des liens familiaux et a donné une image dégradante des relations enfants-père et provoqué le mécontentement de la famille algérienne et de l'opinion publique".