147 personnes présentées devant la justice pour différents délits et des dizaines d'armes prohibées récupérées. Les éléments des deux corps constitués (gendarmerie et police) de cinq wilayas de l'ouest du pays, à savoir Oran, Mostaganem, Aïn Témouchent, Sidi Bel-Abbès et Relizane se sont donné rendez-vous dans la nuit du 1er octobre pour lancer simultanément une série d'opérations à travers les quartiers chauds de chacune des grandes villes. Inscrites dans le cadre d'un programme commun, ces opérations sont appelées, désormais, à se perpétuer considérant que c'est la voie la plus sûre pour lutter contre la criminalité sous toutes ses formes. Dans l'impossibilité de suivre en même temps leur déroulement compte tenu des distances qui séparent les wilayas concernées, nous avons accompagné les forces de sécurité dans leurs descentes au niveau de certains quartiers d'Oran, qui continue à détenir la sinistre réputation de capitale du crime. Il est 19 h passées ; après un briefing express au siège de la compagnie de gendarmerie, les véhicules prennent la direction de l'USTO, une gigantesque cité appelée ainsi en raison du site de l'université des sciences et techniques sur lequel elle se trouve. Au moment de notre arrivée, les éléments de la brigade compétente renforcée par le brigade cynophile ont déjà quadrillé le quartier. Les fouilles au corps commencent sous le regard inquiet des familles. Des mamans appellent leurs enfants à rejoindre la maison, tandis que certains prennent la poudre d'escampette à la vue des gendarmes. Pour les plus jeunes, le spectacle vaut la peine d'être vu. Et puis, bien sûr, les inévitables curieux qui n'ont rien à se reprocher, mais chez qui l'arrestation d'un voisin malveillant constitue une petite vengeance. Ammi El-Houari, appelons-le ainsi, jubile intérieurement. Il vient d'assister à l'arrestation d'un jeune vendeur de cigarettes à la pièce. Au cours de la fouille, les gendarmes trouvent une faucille et une scie à métaux dissimulées sous l'étal de fortune. Il nie totalement leur provenance avant que son père arrive en courant affirmant que la faucille lui appartient. “Je m'en sers pour tailler quelques plantes, entre autres le figuier du quartier”, clame-t-il. On lui fait savoir que c'est à son fils de répondre de l'accusation de détenir cette arme blanche prohibée et cachée sous la table à cigarettes. Sa mère et sa sœur accourent en protestant. Vainement. Un voisin de confiance à qui on confie l'étal dira tout simplement : “C'est un universitaire qui aurait pu aller demander du travail ailleurs au lieu de rester là comme un c…” Un autre jeune est arrêté également pour port d'arme prohibée. Pour Ammi El-Houari, les gendarmes ont visé juste. Il connaît bien les deux jeunes arrêtés comme tous ceux de l'USTO d'ailleurs. “Et son père venu innocenter son fils en criant que la faucille lui appartenait ?” posons-nous la question dans le but de lui arracher quelques informations. Il se tait un moment et nous dévisage avec méfiance. Nous lui expliquons que nous sommes là pour un reportage. Il finit par raconter : “Cela fait vingt ans que j'habite dans cette maudite cité. Dans les années 80, c'était très calme. Avec les années de braise et le terrorisme qui les a caractérisées, les choses ont radicalement changé. Ce quartier est devenu le fief des délinquants, toxicomanes, voleurs et tous les qualificatifs qu'on peut attribuer à cette faune mue par la nuisance d'autrui”, dit-il. “Pourquoi pas les dénoncer ?” interrogeons-nous. “Ecoutez, ici il y a une mafia capable à tout moment d'attenter à votre vie et à celle de vos enfants. À la rigueur, moi j'ai dépassé la soixantaine, mais j'ai peur pour ma famille. On a un taux élevé de chômeurs et d'exclus du milieu scolaire. Des criminels potentiels”, répond-il. Une réponse qui rejoint directement l'analyse donnée par le colonel Sabri, chef d'état-major, lors de la lecture du rapport d'activité du groupement régional d'Oran sur l'évolution de la criminalité. Mais l'omerta est-elle une solution ? Nous quittons l'USTO pour El-Hassi en passant par le siège du détachement de la garde communale. Le quartier relevant de la compétence de la brigade d'Ighmoracen s'étend sur plus de 3,5 km, soit des Planteurs jusqu'à la limite de la commune de Messerghine au sud. En arrivant sur les lieux, nous constatons que les rues sont désertes. “Le mot d'ordre a été donné”, observe le lieutenant colonel Benaâmane. Comme les éléments de la police avaient déjà passé au crible les Planteurs, il fallait s'y attendre. “Habituellement, un quartier aussi populaire reste éveillé jusqu'à des heures très tardives”, nous dit-on. Nous arpentons les rues et ruelles qui se trouvent dans un état lamentable. Le projet de viabilisation et de revêtement des routes, au risque d'écorcher le dynamique ministre des Travaux publics, n'est, semble-t-il, pas pour demain. La municipalité a certainement d'autres préoccupations que celle de prendre en charge le réseau routier catastrophique au grand dam des habitants qui doivent, sans l'ombre d'un doute, vivre le calvaire, notamment en hiver. Un quartier de 30 000 habitants où les constructions ont été érigées illicitement. Portes et fenêtres closes, les habitants d'El-Hassi préfèrent vivre l'évènement à l'abri d'une rencontre indésirable. Bruit de bottes. Bir El-Djir, Sidi El-Bachir, Haï Essabah, Chtaïbo, Les Amandiers. Des noms évocateurs, pour la population d'Oran, où la criminalité est une réalité quotidienne. Un fléau qui s'est développé à cause d'un tas de facteurs dont, notamment le calme qu'a connu la ville durant la décennie noire. Il faut dire que le pays de Sidi El-Houari a de tout temps été une destination de choix pour les gens en mal de plaisirs. La débauche est criante dans la rue. Certains commerçants, à l'image de ce gérant d'un salon de thé situé sur la grande artère Larbi-Ben-M'hidi, n'ont d'yeux que pour l'argent. Un local d'à peine 20 m2 est plein comme un œuf. À voir le nombre de filles dans des tenues tout droit sorties des clips, on est tenté de croire que l'établissement mérite d'être classé lieu de rendez-vous. Le café et les jus ne sont qu'un prétexte. 2 804 interpellations L'opération combinée à travers les cinq wilayas citées a conduit, en l'espace de quelques heures (de 19h à 1h du matin ), à l'interpellation de 2 804 personnes pour vérification d'identité dont 402 à Oran, 554 à Mostaganem, 599 à Aïn Témouchent, 759 à Sidi Bel-Abbès et 490 à Relizane. Suite à ces interpellations,147 personnes ont été arrêtées pour délits divers (port d'arme prohibée, détention et usage de stupéfiants, ivresse publique et manifeste, etc.). Dans un point de presse organisé au lendemain de la vaste opération au siège du groupement régional de la Gendarmerie nationale, le colonel Belhadj devait rappeler que, désormais, la combinaison des deux forces de sécurité ne sera plus une action ponctuelle, mais elle s'étalera dans le temps jusqu'à ce que le fléau de la criminalité soit jugulé. Pour sa part, l'inspecteur régional de la DGSN, le colonel Khalfi, a abondé dans ce sens assurant ses collègues de la gendarmerie de la disponibilité des éléments de la police à œuvrer à leurs côtés et de mener la même lutte afin de garantir aux citoyens une meilleure sécurité. À l'occasion, il fera lecture du bilan des opérations de sécurité publique pour la période allant de mars à août 2005 et une comparaison avec la même période de l'année 2004. Globalement, il a été enregistré pour la période 2005 41 morts sur les routes des cinq wilayas ciblées, alors que pour 2004, le bilan s'élève à 68 morts, soit un écart de -27. Concernant les accidents matériels et corporels, on notera une nette diminution pour l'année en cours (mars à août) avec 600 cas enregistrés, alors que pour la même période de 2004, le nombre est de 1101 accidents. Comme mesures répressives et dissuasives à la fois contre les délits de la route, la loi 1-14, complétée par la loi 4-16, on constatera une augmentation dans le retrait des permis de conduire avec 7 565 en 2005 contre 3 033 en 2004 pour les cinq wilayas citées et pour la même période de référence. Pour sa part le colonel Sabri intervient pour donner quelques chiffres sur la lutte contre la criminalité menée par les différentes brigades d'intervention relevant de la compétence du commandement du groupement régional d'Oran. Durant le premier semestre de l'année en cours, 7 786 personnes ont été arrêtées dont 3 350 mises sous mandat de dépôt. Comparativement avec la même période 2004, les services concernés ont arrêté 4 694 personnes, soit un écart de +3 092. Analytiquement, il ressort que les causes principales de la criminalité sont la déperdition scolaire, la cherté de la vie et la dégradation du pouvoir d'achat et enfin le chômage. S'agissant du crime organisé, il y a lieu de savoir que 1 105 affaires ont été traitées durant le premier semestre 2005 liées essentiellement à la contrebande du carburant et du cheptel. Dans le cadre de la lutte contre l'immigration clandestine, 288 affaires ont été traitées ayant conduit à l'arrestation de 583 personnes de différentes nationalités africaines (malienne, marocaine, nigérienne). Il y a lieu de rappeler que dans le courant de cette semaine, 250 personnes ont été arrêtées à Béchar pour immigration clandestine. En matière de lutte contre le trafic illicite des stupéfiants 593,6 kg de kif traité et 2 608 comprimés psychotropes ont été saisis durant la même période. En septembre dernier, plus de 627 kg de cannabis ont été saisis. Notons, enfin, que 10 personnes ont été arrêtées pour faux et contrefaçon de billets de banque. En tout, ce sont 106 billets de 1000 DA, 19 de 500 DA et 1 888 de 200 DA qui ont été saisis. Certes, les efforts de la gendarmerie et de la police — qu'ils soient conjugués ou dissociés — restent méritoires. Il reste toutefois à souhaiter, et c'est le vœu de tous les honnêtes citoyens, que les opérations soient régulières, notamment au sein des centres urbains et des quartiers populaires de la capitale. C'est ce à quoi répond le directeur de la communication du commandement de la Gendarmerie nationale le colonel Abderrahmane Ayoub : “Des opérations précises seront lancées dès ce début de Ramadhan à travers beaucoup de quartiers de la capitale où un taux élevé de la criminalité, sous toutes ses formes, est enregistré. Des descentes régulières sont devenues nécessaires. Notre souhait est de voir une contribution de nos collègues de la police qui ont une bonne maîtrise du tissu urbain. Nous enregistrons à travers particulièrement les organes de presse des appels au secours de citoyens subissant diverses agressions au sein même de leurs quartiers. Des opérations combinées entre les deux services de sécurité ne pourraient que soulager ces citoyens qui n'aspirent qu'à vivre en paix.” A. F.