L'élection du nouveau conseil présidentiel a surpris à la fois la classe politique libyenne et les observateurs avec de nouvelles figures peu connues ou inconnues sur la scène politique. En dotant le pays d'institutions de transition, des progrès politiques "tangibles" ont été accomplis, certes, dans ce pays comme s'est récemment félicité le Secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, mais la prudence reste néanmoins de mise, estiment les observateurs qui notent que plusieurs accords ont été conclus ces dernières années mais sans être appliqués. En ce sens, même si cette désignation constitue une avancée, le président du conseil transitoire et le Premier ministre désigné vont devoir affirmer leur légitimité sur le terrain, où deux autorités s'y disputent le pouvoir sur fond d'ingérences étrangères. Dans l'Ouest, le Gouvernement d'union nationale (GNA à Tripoli), reconnu par l'ONU et soutenu par la Turquie, et une autorité incarnée par Khalifa Haftar, homme fort de l'Est, soutenu notamment par la Russie. Le gouvernement temporaire est devant la tâche lourde de faire respecter et consolider le cessez-le-feu, mais aussi d'œuvrer pour le retrait des forces étrangères et les mercenaires, comme l'a souligné l'émissaire par intérim de l'ONU en Libye, Stephanie Williams. "Le nouvel exécutif unifié doit soutenir et appliquer pleinement l'accord de cessez-le-feu. Cela nécessitera une action audacieuse et déterminée de la part du nouveau gouvernement (...), y compris le retrait de toutes les forces étrangères et des mercenaires", a indiqué Mme Williams, avant d'appeler le nouvel exécutif à "lancer un processus global de réconciliation nationale basé sur les principes de la justice transitionnelle" et "à promouvoir la culture de l'amnistie et de la tolérance parallèlement à la recherche de la vérité et des réparations". Les gouvernements étrangers qui ont salué l'élection du gouvernement de transition ont aussi prévenu qu'un "long chemin" restait à parcourir, comme c'est le cas pour la diplomatie russe qui a dit souhaiter à la nouvelle équipe "de résoudre avec succès toutes les tâches difficiles de la période de transition". Les gouvernements d'Allemagne, d'Italie, de France, des Etats-Unis et du Royaume-Uni ont déclaré dans un communiqué conjoint publié par le ministère allemand des Affaires étrangères que "l'autorité exécutive unifiée devra mettre en œuvre l'accord de cessez-le-feu, fournir les services publics essentiels au peuple libyen, lancer un programme de réconciliation significatif, faire face aux besoins critiques du budget national et organiser des élections nationales". Réunis depuis lundi dans les environs de Genève, dans un endroit tenu secret, les 75 membres du forum du dialogue politique libyen (FDPL) ont voté en faveur de la liste d'Abdel Hamid Dbeibah avec 39 voix sur 73. La liste de M. Dbeibah faisait figure d'outsider par rapport à celle du puissant ministre de l'Intérieur, Fathi Bashagha, et à celle du président du Parlement, Aguila Saleh. Originaire de Misrata (nord-ouest), cet ingénieur, fondateur du mouvement Libya al-Mostakbal, a occupé un poste clé sous le régime Kadhafi en présidant la Compagnie libyenne d'investissement et de développement (Lidco). Son colistier Mohammed Younès Menfi, originaire de Cyrénaïque (Est), qui a été élu président du conseil présidentiel transitoire, est diplomate et ancien ambassadeur de Libye en Grèce. Il sera épaulé par deux vice-présidents : Moussa Al-Koni, un Targui, et Abdallah Hussein Al-Lafi, un député de Zaouia (Ouest). Le Premier ministre désigné devra "dans un délai ne dépassant pas 21 jours former son cabinet", avec un minimum de 30% de femmes. Il disposera ensuite de 21 jours supplémentaires pour obtenir le vote de confiance au Parlement. En cas d'échec, la question sera tranchée par les participants au dialogue interlibyen, a expliqué vendredi l'émissaire par intérim de l'ONU en Libye, Stephanie Williams.