Signe d'une méfiance grandissante, les citoyens sont de plus en plus enclins à garder leur argent chez eux. Sur la période 2019-2020, la quantité de pièces et de billets de banque en circulation a augmenté de près de 1200 milliards de dinars. La monnaie fiduciaire en circulation a beaucoup augmenté ces dernières années. La Banque d'Algérie a estimé à 6 180 milliards de dinars les billets de banque et les pièces en circulation à novembre 2020. Cette quantité de monnaie en circulation était de 5 582 milliards de dinars dix mois plus tôt, soit à fin janvier de la même année, marquant ainsi une hausse de près de 600 milliards de dinars en dix mois seulement, soit l'équivalent de la liquidité bancaire recensée à fin novembre 2020. Le phénomène n'est pas inédit. Mais la demande en pièces et billets de banque connaît une importante dynamique ces dernières années. Pour preuve, la monnaie fiduciaire en circulation est passée de 4 629 milliards de dinars en janvier 2017 à 4 842 milliards de dinars en janvier 2018 et à 5 047 milliards de dinars en janvier 2019. Le phénomène s'est accentué durant les années 2019-2020, à raison de 600 milliards de dinars par an. La quantité de pièces et de billets de banque en circulation est passée en effet de 5 047 milliards de dinars de janvier 2019 à 5 582 en janvier 2020 et à 6 180 milliards de dinars. La monnaie fiduciaire en circulation a atteint 6 180 milliards de dinars au mois de novembre du précédent exercice. Sur la période 2019-2020, la monnaie fiduciaire en circulation a ainsi augmenté de près de 1 200 milliards de dinars. Ce phénomène s'est accéléré en période de forte contraction de la liquidité bancaire ; celle-ci s'établissant à seulement 612 milliards de dinars à fin novembre 2020, mais ce mouvement baissier remonte au second semestre de 2019. Il y aurait une corrélation entre les deux courbes qui suggère que certaines quantités de monnaie quittent les banques sans y revenir. "L'argent ne revient pas dans les banques", nous confie une source de la Banque centrale. Dit autrement, la contraction de la liquidité bancaire est liée, en partie, à la baisse des dépôts, mais aussi à la hausse exponentielle des retraits d'argent du circuit bancaire. Malgré la politique de la planche à billets qui a servi, entre autres, à renflouer les caisses de certaines banques de la place, celles-ci restent exposées à d'importantes pertes de liquidités. Les interventions successives de la Banque centrale courant 2020 n'ont que légèrement contribué à augmenter la liquidité bancaire. Pour encourager les épargnants et les détenteurs de capitaux en dinars à bancariser leur argent, des banques ont investi dans les produits de la finance islamique. Les résultats de cette approche sont — jusqu'ici — pour le moins maigres, voire loin des objectifs initialement fixés. La détérioration des conditions économiques durant les deux années 2019-2020 a accéléré la migration des capitaux en dehors du circuit bancaire. La conjoncture a fini par alimenter un sentiment de défiance vis-à-vis des banques. Et le phénomène de thésaurisation semble prendre le dessus. La hausse de la demande en pièces et billets de banque a été alimentée également par l'usage excessif du cash dans l'ensemble des transactions commerciales. Les vieux slogans de dématérialisation des moyens de paiement ont été une vaine promesse. Cependant, la thésaurisation et l'usage excessif du cash ne peuvent, à eux seuls, expliquer la hausse fulgurante de la monnaie fiduciaire en circulation en un laps de temps aussi court. Celle-ci a crû plus rapidement que la liquidité globale des banques sur la période 2019-2020, ce qui contraste de manière saisissante avec l'engagement des banques à investir dans la captation des capitaux évoluant hors circuit bancaire. Du reste, il y a comme un sentiment de méfiance que nourrissaient les agents économiques quant à la capacité des banques de la place à sortir la tête de l'eau. Les derniers épisodes en date de tension sur les liquidités et de dévaluation de la monnaie nationale continuent d'alimenter ce sentiment de défiance à l'égard des banques. Il va sans dire que cette croissance de la monnaie fiduciaire risque de compliquer la gestion macroéconomique car pouvant alimenter les anticipations inflationnistes et affaiblir les canaux de transmission de la politique monétaire.