Liberté : le conseil de la monnaie et du crédit vient d'adopter un projet d'un nouveau règlement relatif aux règles applicables aux transactions courantes avec l'étranger et aux comptes devises. Comment accueillez-vous cette décision ? Ali Bey Nasri : Nous avons pris acte de cette décision dans le communiqué publié dimanche dernier par la Banque d'Algérie. Malheureusement, le document ne donne pas assez d'informations et de détails, que je juge importants, sur cette rétrocession des devises au profit des exportateurs. En outre, ce règlement modifiant et complétant le règlement n°07-01 du 3 février 2007, est encore au stade de projet. En un mot, ce n'est pas encore clair. Quels sont les informations et les détails que ce communiqué n'a pas apportés, selon vous ? Le règlement stipule que dès le rapatriement des recettes d'exportation, hors hydrocarbures et produits miniers, de biens et de services, l'intermédiaire agréé met à la disposition de l'exportateur : la partie en devises qui lui revient, conformément à la réglementation en vigueur et qui est logée dans son compte devises ainsi que la contre-valeur en dinars du solde des recettes provenant de l'exportation soumise à l'obligation de cession. Le règlement n°07-01 du 3 février 2007 et les instructions de la Banque d'Algérie fixent la répartition à 50% du montant en compte dinars, 30% du montant en compte devises personne morale et 20% du montant en compte devises intitulé exportateur (qui peut être utilisé à la discrétion de l'exportateur et sous sa responsabilité). C'est ce qui est appliqué actuellement. Or, tous ces détails ne sont pas mentionnés dans les nouvelles dispositions que compte introduire la Banque centrale. La note de la Banque d'Algérie précise que les mesures introduites autorisent les exportateurs à disposer de la totalité de leurs recettes d'exportations logées dans les comptes devises, pour les besoins de leur activité... Il est bien précisé "pour les besoins de leur activité...". Si l'on analyse cette dernière phrase, l'on devra comprendre que le rédacteur de cette note fait allusion à l'achat des matières premières destinées à la production de l'opérateur/exportateur. Les 100% des devises doivent être de ce fait utilisés par le producteur/exportateur pour l'achat des intrants. Dans ce cas précis, où sont les 20% du montant en compte devises, intitulé exportateur, qui lui reviennent de droit et qui peuvent être utilisés à la "discrétion de l'exportateur et sous sa responsabilité", tel que le stipule la réglementation en vigueur ? Quel est en fait le gain exact de l'exportateur ? Pour le moment, nous ne pouvons pas faire une lecture fine et approfondie de cette mesure. Nous ne savons même pas si la rétrocession de la totalité des devises c'est beaucoup ou peu. Vous estimez donc que cette décision n'est pas encore bien explicitée et clarifiée par la Banque d'Algérie ? Absolument. Si l'intention des auteurs de cette nouvelle disposition est de dédier la totalité de ces recettes en devises issues des exportations hors hydrocarbures des opérateurs exclusivement pour l'achat des matières premières, ce sera pour nous, à l'Anexal, un net recul. Pourquoi considérez-vous cela comme un recul ? Quelles-sont alors vos propositions pour résoudre cette problématique ? À l'Anexal (Association nationale des exportateurs algériens), nous avons demandé le partage de la valeur ajoutée (VA) en devises. Prenons l'exemple des produits agricoles quu ne sont pas concernés par l'importation de matières premières. Ainsi, si un exportateur réalise une opération d'exportation d'un montant de 100 000 dollars, nous avons suggéré que l'Etat prenne 50 000 dollars et l'exportateur bénéficiera des 50 000 dollars restants. Un second cas : pour les produits manufacturés qui nécessitent le recours à la devise (pour l'achat des intrants) d'une somme de 100 000 dollars par exemple. Si l'exportateur concrétise une valeur ajoutée de 20%, ce qui porte le montant des recettes à 120 000 dollars, nous avons proposé que les 20 000 dollars représentant la VA soient répartis comme suit : 10 000 dollars pour l'Etat et 10 000 dollars pour l'exportateur. Quelles sont les autres revendications liées à cet épineux problème de réglementation de change portées à la connaissance des pouvoirs publics par votre organisation ? Sur ce même problème, nous avons également revendiqué la libre utilisation des devises à rétrocéder à l'exportateur. En effet, l'exportateur doit bénéficier de cette liberté et la possibilité d'utiliser ces devises, qui proviennent d'une opération d'exportation dans des projets d'investissement à l'étranger, pour ne citer que cet exemple. L'opérateur doit être également libre d'exploiter ces devises pour l'achat de matériel rénové ou de capitaux (entreprises)... à l'étranger. La Banque d'Algérie souligne également que ces mesures dispensent de l'obligation des formalités de domiciliation bancaire les exportations de prestations des services numériques et celles portant sur les prestations de services des startup et des professionnels non-commerçants. Un commentaire sur cette décision ? On s'interroge pourquoi cette mesure a concerné seulement les services numériques, ceux liés aux startup et les professionnels non-commerçants ? Et les autres prestations de services exportées telles que les bureaux d'études, la sous-traitance, les formations... ? Il ne faut pas faire de différence car un service c'est un service. En tout cas, l'exportation d'un service ne nécessite pas une domiciliation bancaire car il se fait en ligne. Le service exporté est immédiatement consommé et son paiement se fait à l'avance. En revanche, va se poser dans ce cadre, un problème de disponibilité de cartes bancaires Corporate (professionnelles) pour effectuer ces paiements. En Algérie, il n'existe que les cartes particulières.