L'UA souligne que la situation constitue une menace potentielle pour la paix et la stabilité du pays lui-même, mais aussi de ses voisins et de tout le continent. Il n'est pas clairement dit, mais les circonstances du décès d'Idriss Déby et surtout de sa succession ont des allures de coup d'Etat, d'autant que les militaires qui ont pris le pouvoir ont annoncé une période de transition qui n'avait normalement pas lieu d'être. La succession du président tchadien Idriss Déby Itno, mort au front, est source d'inquiétude pour l'opposition tchadienne et notamment pour la société civile qui craint un accaparement du pouvoir par le comité de transition militaire, présidé par son fils, Mahamat Idriss Déby, 37 ans, qui a dissous l'Assemblée nationale et le gouvernement et pris les pleins pouvoirs. Soit autant de décisions qui font entorse à la Constitution du pays et face auxquelles plusieurs organisations de défense des droits de l'Homme, dont la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), la Ligue des droits de l'Homme (LDH) et la Ligue tchadienne des droits de l'Homme, expriment leurs vives inquiétudes. Ces organisations ont dénoncé ce qui s'apparente à une organisation d'une succession pour la poursuite de l'accaparement du pouvoir, soit "un coup d'Etat institutionnel" qui se trame dans le pays. "Depuis trois jours, c'est bien un coup d'Etat qui démantèle le système institutionnel et législatif tchadien. La mise en place d'un comité de transition exclusivement composé de militaires et les premières décisions imposées sans dialogue politique inclusif ne sont pas des signaux rassurants", indique Drissa Traoré, secrétaire général de la FIDH. Le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine (UA), qui a fait part également de sa "grave préoccupation" quant à l'instauration d'un conseil militaire dirigé par le fils du défunt président, a appelé vendredi soir à la restauration au plus vite d'un régime civil au Tchad. L'instance en charge des questions de paix et de sécurité au sein de l'organisation continentale a, dans communiqué, lancé un appel aux forces de sécurité tchadiennes "à respecter le mandat et l'ordre constitutionnel, à s'engager rapidement dans un processus de restauration de l'ordre constitutionnel et de transfert du pouvoir politique aux autorités civiles". Le communiqué de l'UA souligne que la situation au Tchad constitue une menace potentielle pour la paix et la stabilité du pays lui-même, mais aussi de ses voisins et de tout le continent. Et ce, avant d'appeler à "un dialogue national inclusif" et de demander à la Commission de l'UA, présidée par le Tchadien Moussa Faki Mahamat, de "constituer rapidement une mission d'enquête de haut niveau" au Tchad. Cependant, la France, l'ancienne puissance coloniale, qui a considéré le régime d'Idriss Déby comme un partenaire essentiel dans la guerre contre les groupes terroristes au Sahel, et les pays du G5 Sahel ont assuré le jeune général Déby de leur "soutien commun au processus de transition civilo-militaire pour la stabilité de la région". "La France ne laissera jamais personne, ni aujourd'hui ni demain, remettre en cause la stabilité et l'intégrité du Tchad", a promis dans son oraison funèbre le président français, Emmanuel Macron, qui assistait vendredi aux funérailles d'Idriss Déby à N'djamena. Aussi, les chefs d'Etat du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) ont convenu de se concerter pour désigner un président intérimaire de l'organisation régionale, dont le Tchadien Idriss Déby Itno assurait la présidence tournante. L'option la plus plausible serait le président Kaboré, en attendant la réunion de février 2022 prévue à Bamako. Pendant ce temps, le groupe rebelle Front pour l'alternance et la concorde au Tchad (Fact), qui a lancé le 11 avril une offensive dans le nord du pays, menace d'attaquer la capitale, N'djamena. La menace pourrait provenir aussi de l'intérieur du régime, où une guerre des clans pourrait s'ouvrir à une période d'incertitude politique dans ce pays, classé par l'ONU troisième pays le moins développé du monde.