Le Tchad enterrait, hier, Idriss Déby Itno, qui a mené le pays d'une main de fer pendant 30 ans, en présence du chef de l'Etat français Emmanuel Macron, qui a exprimé le soutien de la France et du G5 Sahel à son fils, à la tête d'une junte, dans son «processus de transition civilo-militaire». Idriss Déby est mort lundi, selon N'Djamena, à 68 ans, des suites de blessures subies au front dans le nord du Tchad contre des rebelles. Son fils, Mahamat Idriss Déby, général de corps d'armée à 37 ans et jusqu'alors commandant de la Garde républicaine, la redoutable garde prétorienne du régime, est le nouvel homme fort du Tchad, entouré des plus fidèles des généraux de son père. Il dispose des pleins pouvoirs mais a promis de nouvelles institutions après des élections «libres et démocratiques» dans un an et demi. Pour de nom- breux opposants, dont les plus farouches étaient régulièrementvictimes d'intimidations et de violences, cette prise de pouvoir n'est rien d'autre qu'un «coup d'Etat institutionnel». Juste avant la cérémonie, M. Macron et les quatre autres chefs d'Etat du G5 Sahel, qui ont ,formé une force militaire soutenue par Paris pour combattre les jihadistes, et dont le Tchad est le fer de lance, ont témoigné au jeune général Déby leur «unité de vue» et leur «soutien commun au processus de transition civilo-militaire pour la stabilité de la région». Une douzaine de chefs d'Etat sont réunis sur la place de la Nation, au coeur de N'Djamena, où le cercueil recouvert du drapeau national est arrivé à bord d'un pick-up entouré de motards. Vingt-et un coups de canon ont été tirés et les honneurs militaires ont été rendus à celui qui a été élevé au rang de Maréchal du Tchad le 11 août dernier. Parmi les chefs d'Etat et de gouvernement, M. Macron, assis au plus près du jeune général Mahamat Déby, est le seul Occidental. Autour d'eux, les quatre autres pays du G5 Sahel, qui ont formé une force militaire anti-jihadiste épaulée par la France: Mali, Niger, Burkina Faso et Mauritanie. Emmanuel Macron avait rencontré la veille en aparté, à peine descendu de son avion, le nouvel homme fort du pays. Un signe pour l'opposition et les experts: la France, qui a sauvé militairement au moins à deux reprises le régime de feu Idriss Déby menacé par des rebelles, en 2008 et 2019, semble maintenir son soutien à son successeur. Le président français va-t-il poser des conditions pour une transition du pouvoir dans les mains de civils la plus rapide possible? Paris a installé le QG de Barkhane, sa force anti jihadiste au Sahel, au Tchad, son plus solide allié contre les jihadistes dans la région. Depuis son arrivée au pouvoir par les armes en 1990, avec l'aide de Paris, Idriss Déby avait toujours pu compter sur l'ancienne puissance coloniale. Après sa mort, la France s'est dit déjà à plusieurs reprises préoccupée de «la stabilité et l'intégrité territoriale du Tchad».Pour Josep Borell, le chef de la diplomatie de l'Union européenne. «Il faut aider le Tchad. Il faut passer outre les considérations politiques», a-t-il estimé jeudi lors d'une visite en Mauritanie, avant de se rendre lui aussi aux funérailles d'Idriss Déby. Hier, après les prises de paroles et une prière à la Grande Mosquée de N'Djamena, la dépouille d'Idriss Déby sera emmenée en avion à plus d'un millier de km, à Amdjarass, petit village non loin de sa ville natale de Berdoba, chef-lieu de la province de l'Ennedi Est (nord-est), près de la frontière soudanaise, où il sera inhumé au côté de son père. La venue de chefs d'Etat représente un défi sécuritaire de taille pour le nouveau régime, toujours confronté à une rébellion venue de Libye qui a promis de marcher sur N'Djamena et rejette «catégoriquement» la transition militaire. La menace pourrait aussi venir de l'intérieur du régime, car la prise de pouvoir du jeune Mahamat Idriss Déby est soudaine et les convoitises nombreuses au sein du clan du défunt chef de l'Etat.