La répression qui a marqué la journée de vendredi n'a pratiquement épargné personne. Au moins une soixantaine de personnes ont été placées en garde à vue, sur environ un millier de manifestants interpellés lors des marches hebdomadaires de vendredi, selon le décompte toujours provisoire établi à partir des comptes rendus de presse et par le CNLD, association de soutien aux détenus. D'après les mêmes sources, une trentaine est répertoriée à Alger et 23 à Sétif. Plusieurs autres manifestants, à Annaba, à Bordj Bou-Arréridj, à Chlef, à Biskra, à Tiaret et à Constantine dont un célèbre enseignant universitaire, le professeur Djamel Mimouni, ont été également placés en garde à vue et devraient être présentés aujourd'hui devant la justice, ont affirmé les mêmes sources, soulignant, par ailleurs, que plusieurs autres manifestants ont été relâchés mais avec des convocations pour se présenter aujourd'hui et demain devant le procureur de la République. Aussi, une douzaine de journalistes et photographes ont également été arrêtés vendredi à Alger, mais ont tous été relâchés à l'exception de Kenza Khatto, notre consœur de Radio M, toujours en détention. "Je viens de sortir du commissariat de Trollard pour voir la journaliste Kenza Khatto, en garde à vue depuis hier et savoir pour quels chefs d'inculpation elle est retenue, hélas on m'a dit que ce sera pour demain", a écrit, hier, Zoubida Assoul, avocate et militante des droits de l'Homme, sur sa page facebook. Le correspondant de notre confrère El Watan à Jijel a, lui aussi, été brièvement interpellé avant d'être relâché, selon nos sources. La répression qui a marqué la journée de vendredi, jamais enregistrée depuis le début du Hirak, quelques jours après le communiqué du ministère de l'Intérieur qualifiant d'"illégales" les manifestations de vendredi et exigeant une déclaration d'organisation, n'a pratiquement épargné personne. Outre les journalistes, des enseignants universitaires, des avocats membres du Collectif de défense des détenus politiques et d'opinion, mais également des chefs de partis politiques, à leur tête le président du RCD et son secrétaire national à la communication, respectivement Mohcine Belabbas et Atmane Mazouz, le secrétaire général du MDS, Fethi Gheras, et d'autres militants de son parti, ou encore d'autres figures à l'image de l'économiste Lalmas, ont été arrêtés et retenus par la police durant des heures. "C'est une arrestation illégale et arbitraire", a affirmé le président du RCD aux policiers en civil qui lui demandaient ses papiers d'identité. "Bizarre, d'autant plus qu'un policier m'a interpellé par mon nom tout en précisant qu'ils venaient de recevoir des instructions", a ajouté Mohcine Belabbas, soulignant que pendant sept heures de détention au commissariat de police, "aucun des officiers judiciaires chargés de nous auditionner séparément et par intermittence ne nous a informés des raisons de notre arrestation". Djamel Mimouni, professeur universitaire à Constantine, a été placé en garde à vue et sera présenté devant le procureur d'El-Ziadia ce matin, selon le Comité national pour la libération des détenus politiques et d'opinion (CNLD). "Djamel Mimouni a refusé de signer l'engagement sur l'honneur de ne plus prendre part prochainement aux marches non autorisées, et a donc été placé en garde à vue !", a souligné le CNLD. De nombreux manifestants ont déjà fait part de la tentative des autorités de faire signer à certains manifestants arrêtés des documents dans lesquels ils s'engageaient à ne plus manifester. D'après des témoignages, des vidéos et des photos relayés sur les réseaux sociaux, des arrestations de manifestants se sont déroulées avec brutalité. Certains portaient des blessures au dos, au visage et au bras, comme on pouvait le constater sur les photos relayées par les concernés sur les réseaux sociaux. Les multiples arrestations à tour de bras qui ont marqué la journée de vendredi marquent sans doute un tournant dans la gestion des manifestations par les autorités dont l'intention de les réprimer s'est manifestée déjà lors des marches de mardi des étudiants. Elles interviennent à un mois de la tenue des élections législatives.