Nime, jeune auteur de bande dessinée oranais, a quitté l'Algérie la semaine passée. Il a décidé de s'expatrier pour permettre à son talent artistique de s'épanouir loin des interdits et de la censure. Dans une vidéo poignante de deux minutes intitulée Déménagement, publiée sur son compte Facebook, le dessinateur a mêlé la caricature et l'image pour raconter, au son de Libérez l'Algérie, son voyage depuis Oran jusqu'à Paris.Il emmènera dans la valise qu'il déposera à Paris le drapeau algérien et l'espoir d'un nouveau départ, d'une nouvelle vie. Aux internautes, très nombreux, qui ont exprimé la tristesse de voir un autre talent prendre le chemin de l'exil, Nime répond : "(...) Mon départ n'est pas une fuite car si mon corps est aujourd'hui ailleurs, mon cœur, lui, est et restera à jamais en Algérie. J'espère être utile de là où je suis et pouvoir contribuer à faire avancer les choses pour une Algérie meilleure." De son vrai nom Benabdelhamid Mohamed Amine, le jeune dessinateur se passionne à décortiquer la société algérienne, à souligner ses travers et à dénoncer ses tabous. Pendant des années, Nim se forge péniblement un nom dans le monde de la BD : il continue de publier ses dessins sur sa page "Dans ma bulle", prend notamment part aux premiers festivals de la bande dessinée (Fibda) où il est primé et se rend à Angoulême, en France, pour un séjour de six mois dans la "Maison des auteurs", résidence de création qui accueille des illustrateurs et scénaristes de différentes régions du monde. Nime y développe 200 planches pour un recueil d'historiettes appelé Anecdote. Et puis arrive la révolution citoyenne de Février 2019 qui va bouleverser bien des vies. Le 26 novembre 2019, le bédéiste est interpellé par des agents de police au siège de son agence de publicité qui est également perquisitionnée. Motif : un dessin. Présenté devant le magistrat instructeur qui surprend son monde en plaçant l'artiste sous mandat de dépôt sous les chefs d'inculpation d'"offense au président de la République, outrages et violences à fonctionnaires de l'Etat et exposition au regard du public de documents de nature à nuire à l'intérêt national". Quelques jours plus, Nime est condamné par le tribunal correctionnel de Cité Djamel à une année de prison dont trois mois ferme. Vingt jours plus tard, après avoir été détenu pendant plus d'un mois, le dessinateur retrouve l'air libre à l'occasion de la "grâce" de janvier 2020. Nime comparaîtra en appel une semaine plus tard et sera condamné à trois mois avec sursis. "Mes dessins ne sont animés d'aucune arrière-pensée politique. Ils ne sont que l'expression artistique des événements qui agitent l'Algérie", avait justifié le caricaturiste à la barre. Ce passage par la case prison, qui vaut à Nime le Prix du courage artistique du Festival international de la bande dessinée d'Angoulême de 2020, provoque sans doute la cassure qui va le conduire à prendre la décision de s'expatrier. "Pour moi, la véritable prison, c'est d'être incapable de dessiner librement", déclare-t-il de manière prémonitoire dans un entretien publié outre-mer. Dans un dessin rendu public avant-hier, le père de la BD algérienne Slim interpelle Nime à travers la bulle sarcastique de son Bouzid : "... Ne t'en vas pas... Oran sera plus belle que Barcelone... On aura de l'eau douce à tous les étages... Tu pourras faire n'importe quel dessin sans aller en prison..."