Aujourd'hui encore, il encourt une nouvelle peine de deux ans de prison ferme dans une affaire de “diffamation” à l'encontre du ministère de la Défense. “Vous avez connu les émirs chasseurs d'outarde, nous avons côtoyé les enfants de Ben M'hidi et de Matoub Lounès. Qu'avons-nous d'autre à nous dire ?” C'est “une chute”, comme on dit dans le jargon journalistique, d'une chronique datant d'août 2003. Entre les conforts que procure le journalisme de “bienveillance” et le pari “risqué” du journalisme perçu comme “acte de combat”, dans un pays en voie de normalisation, où l'engagement en faveur des libertés démocratiques l'exige, Mohamed Benchicou a choisi. Et c'est sans doute ce choix qui est à l'origine de ses déboires. Officiellement, il est accusé pour une sombre histoire de “bons de caisse”, mais beaucoup restent convaincus que c'est en raison de ses écrits notamment son pamphlet Bouteflika, une imposture algérienne, qui l'ont conduit tout droit au cachot. Aujourd'hui, il boucle 500 jours derrière les barreaux de la prison d'El-Harrach. Long, même très long. Au centre d'une véritable saga judiciaire, l'ancien directeur du Matin n'a jamais cessé, depuis son incarcération le 14 juin de l'an passé, d'être extrait régulièrement de sa prison (une trentaine de fois) pour être déféré devant les tribunaux pour répondre à une multitude de plaintes. Aujourd'hui encore, il encourt une peine de deux ans requise par le procureur, dans une autre affaire de “diffamation” à l'encontre du ministère de la défense. Hier, un autre procès du même type a été reporté au 20 novembre. En dépit de son état de santé qui se dégrade, selon ses proches, de jour en jour, les appels incessants de certaines ONG comme reporters sans frontière (RSF), ou encore les demandes formulées même de façon officieuse par certaines personnalités au chef de l'Etat, les autorités daignent toujours concéder à sa libération. La demande de liberté provisoire introduite par ses avocats a été rejetée. Au même titre d'ailleurs que la demande de son transfert dans un centre de soins spécialisés. Loin d'arriver au bout de ses peines, son dossier de pourvoi en cassation au niveau de la cour suprême disparaît mystérieusement pendant quelques jours. Entre-temps, presque chaque mardi, qualifié de “mardi de la presse”, il est convoqué en compagnie d'autres journalistes, au tribunal. Cet acharnement, maintenant qu'il a purgé les deux tiers de sa peine, cessera-t-il bientôt ? Et à la veille de la célébration de l'anniversaire du déclenchement de la révolution, Benchicou va-t-il recouvrer sa liberté, comme certains le souhaitent ? S'il est sans doute difficile de répondre par l'affirmative, il reste que l'espoir est permis d'autant que l'Algérie vient d'adopter une charte pour “la paix et la réconciliation nationale”. Une charte destinée, aux yeux de ses promoteurs à “réconcilier les algériens” entre eux et à tourner la page de la décennie de “violence”. Dans ce contexte, il est pour le moins inconcevable qu'un Haddam, celui-là même qui a revendiqué le sanglant attentat du boulevard Amirouche au milieu des années quatre-vingt dix, s'apprêtant à regagner le pays et dont on n'exclut pas qu'il sera reçu avec des “dattes et du lait”, ou encore un Madani Mezrag bénéficient des dispositions de la charte tandis qu'un journaliste dont le seul tort est d'avoir exprimé des opinions contraires à celles du pouvoir en place soit gardé en prison. En tout cas, au niveau de la cour suprême, le dossier du directeur du Matin est fixé. Ses avocats s'apprêtent d'ailleurs à déposer le mémoire dans les prochains jours. Parallèlement, Médecins sans frontières (MSF), une ONG qui a fait parler d'elle ces derniers temps notamment depuis l'affaire des immigrants clandestins, a pris contact avec l'un des avocats pour s'enquérir de l'état de santé de Benchicou. Espérons seulement, bien qu'on voie d'ici, qu'on rétorquera que la justice est “indépendante”, que la volonté politique y sera pour une fois. Benchicou libre ? Ça sera certainement une victoire pour l'Algérie et pour la démocratie. KARIM KEBIR