Comme Bouziane El Kala'i, d'autres personnages haut en couleur et tout en relief se sont rebellés individuellement contre l'exclusion de leurs compatriotes, leur misère et les dépassements d'une colonisation que rien n'avait l'air d'arrêter. Tout comme Bouziane El Kala'i, Amar Benguela prendra très tôt le “maquis” près de Mostaganem, après avoir tué un européen dans les années 1940. Il vivra perpétuellement caché de peur d'être dénoncé et n'opérera que la nuit, masqué comme un vulgaire maraudeur. Bandit d'honneur ou rebelle, tout a été dit à son époque, mais son énigme est restée entière. Pourquoi Benguela, par exemple, s'invitait à minuit à chaque mariage, semant la terreur chez l'orchestre et chez les femmes ? Est-ce pour améliorer son image ou pour écouter une chanson qu'il affectionnait particulièrement et qui parlait précisément de ses exploits ? Autre question troublante et qui n'a jamais été élucidée : qui entretenait ce desperado isolé dans sa montagne ? Qui le renseignait ? Qui l'a trahi et quelles sont les circonstances exactes de son assassinat par les gendarmes mobiles ? Un autre condottiere fera également parler de lui : Jean “caillou” à Tiaret. Une précision tout de suite : ce Jean “caillou” n'était au départ qu'un homme de peine sans ressource. Son nom, personne ne s'en souvient à part l'état civil de la mairie. Il se prénommait pourtant Moh0amed. Pour une fadaise affaire de coups et blessures volontaires aggravés de fuite — c'est la version que l'on nous a toujours servis —, Mohamed sera condamné dans les années 1930 à 20 ans de bagne et de travaux forcés à Cayenne. Il passera donc 20 ans de sa vie à casser des petits cailloux dans ce pénitencier du bout du monde d'où son surnom de Jean “caillou”. Libéré de sa terrible prison au lendemain de l'arrivée du général de Gaulle aux affaires, Jean “caillou” retournera donc à Tiaret plus endurci et plus révolté que jamais. Certains disent qu'il aurait connu le fameux “papillon” et même le célèbre “Queznec”. Une chose est sûre : il tombera en 1958 dans l'Ouarsenis, les armes à la mains. Le forçat devient alors martyr. M. M.