Légende On l?a appelé ou plutôt on l?a comparé à Robin des Bois. C?était un justicier qui enlevait aux riches pour donner aux plus démunis. Nous sommes en 1909. Les colons français venus d?Alsace et de Lorraine s?installent peu à peu par vagues entières en Oranie, principalement au niveau du village de Georges-Clémenceau (actuel Stidia) et de Mascara. La terre y est bonne et les coteaux sont luxuriants. L?armée de la métropole invente, pour déstabiliser la société rurale et la déposséder, la conscription obligatoire. Pour tous les jeunes âgés de 18 ans. Devant la réticence des familles, des appelés sont alors menés de force aux casernes. Sans visite médicale c?est-à-dire le quitus : «bon pour le service». La colère gronde. Des parents se concertent de douar en douar. La décision est prise par les notables d?unir les efforts des Medjahers de Mostaganem et des Flittas d?el-Bordj et de Tighenif. L?accord est conclu et les deux communautés conviennent de s?allier pour affronter l?occupant. Les Flittas se réfugient avec armes et bagages dans des montagnes qui dominent la plaine de Ghriss d?où ils mènent des attaques de guérilla contre l?ennemi. Supérieurs en armes et en nombre, les colonnes françaises n?ont aucune peine à venir à bout des «rebelles». Certains sont enfumés, d?autres envoyés à Cayenne. Le tout dernier bagnard libéré rejoindra sa famille en 1943? C?est alors q?un solide paysan, une véritable armoire à glace, tout en charpente, fera parler de lui. Bouziane, originaire du petit village de Kalaâ, entre Relizane et Mascara, et auquel le petit peuple donnera affectueusement le sobriquet de «Bouziane el-Kaali», se fera un devoir de rendre justice aux plus humbles et aux plus démunis de ses compatriotes. A la manière de Robin des Bois. Il prendra aux riches pour donner aux plus pauvres. Et pour cela, il commencera par racketter tous les supplétifs de d?administrateur. Khodjas, caïds, gardes champêtres, aghas, bachaghas, tous passeront à la casserole et paieront un impôt aux nécessiteux. Quelques récalcitrants seront passés par les armes. Malgré les grosse primes offertes pour sa capture, à défaut pour sa dénonciation, Bouziane sèmera toujours les sbires lancés à ses trousses. Toujours prévenu à temps par les douars qui sont sa meilleure protection, il réussira toujours à déjouer les trappes et les pièges qu?on lui tendra. Après les gros burnous qu?il fera suer sang et eau, Bouziane s?attaquera aux fermes coloniales. Jamais de sang sur les mains. C?est la bourse des prédateurs qui l?intéresse. Au bout de quelques mois de razzias qui ont excédé au plus haut point l?administration, ordre fut donné aux colonnes de la mort de ramener Bouziane mort ou vif. Mais comment trouver une aiguille dans une botte de foin quand le maquis des djebels Stambouls sont aussi impénétrables qu?un coffre ? C?est un échec sur toute la ligne et Bouziane fera encore, pendant des années, le pied-de-nez aux occupants. Les circonstances de sa mort sont restées mystérieuses jusque-là. Qui l?a tué ? L?a-t-on dénoncé et qui ? Une légende est née. Elle est toujours vivace.