Les colonels maliens assurent invariablement qu'ils rendront le pouvoir aux civils début 2022, mais le doute grandit sur le respect du calendrier à 6 mois des élections promises et après une année de transition jugée peu productive. À deux mois du premier rendez-vous électoral au Mali, devant aborder le référendum constitutionnel, les Maliens commencent à avoir de sérieux doutes sur l'intention des militaires au pouvoir. Et pour cause, le projet de texte de la nouvelle constitution n'est toujours pas ficelé pour être soumis au Conseil national de transition, lui-même installé par la junte qui a évincé l'ancien président, Boubacar Keïta, en août 2020, avant de faire de même pour le président de transition, Bah N'Daw, en mai dernier. L'ambitieux calendrier prévoit un référendum constitutionnel le 31 octobre, des élections régionales et locales le 26 décembre, puis le premier tour de la présidentielle et des législatives le 27 février 2022. La communauté internationale juge un rétablissement de l'ordre constitutionnel indispensable pour sortir de la profonde crise sécuritaire, sociale et économique dans laquelle s'enfonce depuis des années ce pays crucial pour la stabilité du Sahel. Or, rien n'a encore été fait pour tenir ces premières élections, dénoncent les Maliens et l'opposition politique. en effet, le projet de texte constitutionnel aurait dû être fait en juillet, selon le calendrier rendu public en avril. Les listes électorales auraient dû être également révisées en juillet, et auditées en août. Les autorités n'ont donné aucun signe que cela avait été fait. Le décret convoquant le corps électoral est censé être pris le 15 septembre. Rien ne dit à ce stade s'il le sera ou non. Faute d'avancées, les esprits paraissent se résigner à l'éventualité d'un report des élections de février, en contradiction avec les engagements initiaux des colonels, mais aussi avec les attentes constamment réitérées des principaux partenaires étrangers qui soutiennent le Mali face aux groupes terroristes. La mise aux arrêts le 24 mai du président de transition et son remplacement par le colonel Assimi Goïta ont déjà entamé la crédibilité des militaires auprès de la communauté internationale. La classe politique et la société civile pestent contre l'immobilisme et le manque d'inclusivité de la transition. Pour l'heure, dans l'attente d'Assises nationales de refondation (ANR), annoncées pour les semaines à venir, la classe politique s'écharpe sur les modalités du scrutin. Le débat porte notamment sur la création d'un organe unique pour gérer les élections, à la place d'instances diverses. Une majorité des partis s'est élevée contre cette réforme, promise par le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga lors de l'annonce fin juillet de son Plan d'action gouvernemental, dénonçant un "passage au forceps" et jugeant sa mise en place irréalisable. Beaucoup ont appelé à son abandon. Seul consensus qui se dessine : la nécessité de publier un nouveau calendrier électoral, qui devra être "clair, précis et réaliste", selon les mots d'Ibrahim Sangho, leader de plusieurs plateformes d'observation électorale au Mali. Des diplomates redoutent que la transition ne se prolonge inéluctablement.