A peine auréolé par la nomination de son président Choguel Kokala Maïga comme Premier ministre de la transition au Mali, le mouvement du 5-Juin, rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) a appelé, hier, à un rassemblement tandis que la France confirmait les rumeurs de ces dernières quarante-huit heures, annonçant la suspension de ses opérations militaires avec l'armée malienne. Nouveau partenaire du colonel Assimi Goïta et des officiers qui ont réédité le coup de force d'il y a dix jours contre le président Bah N'Daw et le Premier ministre Moctar Ouane, le M5-RFP va devoir ainsi monter en première ligne tant dans la gestion de la crise socio-économique que traverse le pays que dans la réponse aux coups de boutoir des groupes terroristes dont la montée en puissance est devenue préoccupante, ces derniers mois. La mesure décidée par le président français Emmanuel Macron a beau être «conservatoire et temporaire», parce que «dans l'attente de garanties» selon lesquelles les militaires respecteront leurs engagements antérieurs en organisant des élections au cours des 18 mois prévus, c'est-à-dire au plus tard en février 2022, et en rendant par-là même le pouvoir aux civils, elle n'en implique pas moins une situation complexifiée dans un pays qui joue un rôle stratégique dans la lutte contre l'extrémisme et les multiples trafics qui s'y greffent. Les auteurs du coup de force du 18 août 2020, qui sont également les mêmes à avoir réédité celui du 24 mai dernier, se sont effectivement engagés à conduire le processus à bon port. Sous la pression de l'Union africaine et de la Cédéao, ainsi que celle de la communauté internationale, ils ont dû accepter ladite période de transition conduite par des civils. Le changement de gouvernement opéré par Bah N'Daw, sans avoir consulté au préalable le vice-président de transition, le colonel Assimi Goïta, alors qu'il est charge des questions de défense et de sécurité, a jeté un froid entre les deux hommes et provoqué un réel malaise au sein des officiers proches du colonel Goïta. Froid d'autant plus glacial que deux officiers ont fait leur entrée dans le nouvel et très éphémère gouvernement Ouane alors qu'ils n'ont pas d'attache avec les auteurs du coup de force. Invité à venir s'expliquer lors de la récente réunion de la Cédéao, Assimi Goïta que la Cour constitutionnelle a investi en qualité de nouveau président de la transition a ainsi eu droit à une reconnaissance de facto ainsi qu'à une mesure factuelle puisque les pays d'Afrique de l'Ouest se sont limités à suspendre le Mali de leurs institutions sans en venir aux sanctions agitées quelques jours plus tôt. Sanctions qui, appliquées l'été dernier, avaient déclenché une vive colère des Maliens dont les conditions de vie ne sont déjà pas reluisantes. Les manifestations qui ont conduit à la chute du président Ibrahim Boubacar Keita (IBK) avaient été, on s'en souvient, le cadre de mots d'ordre réclamant le départ de la force française Barkhane. Jusqu'à hier soir, ni l'entourage du président de transition ni les dirigeants du M5-RFP n'ont encore réagi à la décision française dont on ne sait pas, d'ailleurs, comment elle va se traduire sur le terrain, eu égard à l'implication du Mali dans le G5-Sahel. Un vrai dilemme, surtout que Paris a indiqué que la force Barkhane va continuer à opérer en solo sur le sol malien.