Par : Eric Overvest Coordonnateur résident du système des Nations unies en Algérie Face à ces défis et d'autres, la jeunesse algérienne est indéniablement une force majeure pour accélérer le développement du pays, riche en potentiel humain et naturel. Très connectée et curieuse, elle s'ouvre sur le monde sans complexe, puisant dans les valeurs, l'histoire et la culture de son pays. Amis lecteurs Dans quelques jours, ma mission en qualité de coordonnateur résident du système des Nations unies en Algérie touchera à sa fin. Après cinq années de service, je souhaite partager quelques lignes pour faire le bilan d'un mandat professionnellement fructueux en réalisations et humainement enrichissant. Représenter l'Organisation des Nations unies et toutes les valeurs qu'elle véhicule est un honneur et une grande responsabilité. Ma mission en Algérie était principalement dédiée au développement durable, en veillant à ce que l'ONU, à travers ses 15 agences résidentes et non-résidentes, apporte au pays la meilleure expertise technique selon quatre domaines principaux inscrits dans le cadre de la coopération stratégique Algérie-ONU : environnement, développement social, gouvernance et diversification économique. Cet éventail large de coopération, qui répond aux priorités de développement du pays, était une occasion pour mesurer les avancées enregistrées par le pays sur la trajectoire du développement durable, mais aussi identifier les gaps et les efforts à fournir pour atteindre un développement durable, inclusif et solidaire. La collaboration avec les différents secteurs m'a permis de connaître la qualité de l'expertise des professionnels et des cadres algériens et le grand potentiel à partager les bonnes pratiques avec les pays de la région africaine dans le cadre de la coopération Sud-Sud, pour laquelle l'ONU s'est investie au cours des dernières années. J'ai également découvert un grand engagement et un dynamisme de la société civile, particulièrement en temps de crise, qui forcent le respect et l'admiration. La solidarité des Algériens depuis le début de la crise de Covid-19 et lors des feux de forêt est une source d'inspiration. L'entraide inconditionnelle est une valeur sûre dans ce pays où tout le monde est "khawa khawa". Du Nord au Sud, d'Est en Ouest, l'Algérie charme par la richesse de sa nature. De la côte turquoise embaumée d'absinthe de Tipasa aux paysages lunaires de l'Ahaggar, que des kilomètres de montagnes, de steppes et de vagues de dunes à parcourir ! J'ai eu l'occasion de visiter un grand nombre de wilayas, soit pour le travail, soit pour le tourisme, mais les cinq années passées ici n'ont pas été suffisantes pour connaître la splendeur et la générosité de la nature et la diversité culturelle du pays. Une générosité qui n'a d'égale que celle des hommes qui peuplent ce pays-continent. Les Algériens de chaque ville, de chaque village, m'ont fait découvrir un peuple sincère, généreux et exceptionnellement respectueux de ses aînés et des personnes âgées. Ma mère, souffrant de handicap, est aujourd'hui nostalgique de son séjour algérois d'avant-Covid, de l'accueil et de l'aide qu'elle avait reçus. L'hospitalité des Algériens est unique car elle est sincère, avec un désir profond de faire connaître leur pays, leur histoire et leur culture. Ou juste leur pain (la kesra). À Kenchela, à Annaba, à Djanet ou à Tlemcen, j'ai senti cette chaleur humaine des habitants qui adoptent un étranger juste pour le plaisir de partager. Une ouverture d'esprit et une franchise presque naïve qui dissipent toute hésitation d'aller à la rencontre de ce pays. De même pour l'esprit de pardon. Le mot "smehli" utilisé avec sincérité est reçu par les Algériens, connus pour être impulsifs, avec la même générosité et simplicité humaine "smeh". L'autre chose qui m'a marqué beaucoup est le caractère social du pays, avec les différentes formes de subventions, de transferts sociaux et d'aide qui ont permis de préserver les catégories les plus vulnérables, notamment en période de crise de Covid-19. Mais la résilience de ce modèle de protection sociale risque de constituer un défi à l'avenir en raison de sa dépendance des recettes en hydrocarbures. En dépit de la fierté d'appartenir à ce pays, je ne vous apprends rien de l'attachement à l'emblème national. J'ai souvent été surpris que les Algériens soient très critiques envers leur pays. Il est vrai que le pays n'est pas connu à sa juste valeur dans le monde, même s'il recèle tellement de richesses et a un parcours remarquable dans le développement durable. Ayant vécu dans un grand nombre de pays sur différents continents, je garde un esprit positif d'un pays peu connu à l'étranger, victime d'un passé cruel, et d'un peuple remarquable et résilient. Certes, comme tous les pays du monde, l'Algérie a aussi ses défis. J'ai été déconcerté par la passivité quant aux quantités de plastique et de déchets, jusque dans les fonds marins, qui agressent le regard à vous mettre en colère. Les champs et les espaces verts décorés de sacs et bouteilles en plastique ou les avaloirs remplis de déchets méritent des actions d'urgence et notamment des actions de sensibilisation de grande envergure pour préserver la nature et la santé des citoyens. Le stress hydrique, les feux de forêts, qui ont endeuillé cet été des familles et ravagé faune et flore, la désertification, les inondations sont autant de défis qui se posent à l'Algérie. Face à ces défis et d'autres, la jeunesse algérienne est indéniablement une force majeure pour accélérer le développement du pays, riche en potentiel humain et naturel. Durant les cinq années passées ici, j'ai eu l'occasion d'admirer le grand potentiel de cette jeunesse dynamique et l'espoir qu'elle donne pour le futur du pays. La force de ces jeunes, quand elle est libérée, réside dans leur capacité à développer des projets, des start-up, à s'organiser et à se mobiliser. Très connectés et curieux, ils s'ouvrent sur le monde sans complexe, puisant dans les valeurs, l'histoire et la culture de leur pays. Vecteur d'espoir, les jeunes Algériens m'ont beaucoup inspiré. J'ai eu le grand plaisir d'animer une série de conférences dans plusieurs universités algériennes de tous les coins du pays, pour présenter l'Agenda 2030 pour le développement durable, et je me suis retrouvé à débattre des défis de la sécurité internationale, du multilatéralisme et de sa place dans le monde d'aujourd'hui, des défis environnementaux et de l'appui des Nations unies aux pays en développement. Un dialogue riche, ouvert, sincère et sans protocole. Connaître l'Algérie, c'est aussi connaître son art, dont la profondeur témoigne d'un passé difficile, mais aussi d'une grande résilience. L'art algérien mérite d'être valorisé et de trouver sa place dans les galeries de renommée internationale, car les artistes possèdent une force créative qui inspire. La diversité et la richesse culturelle du pays m'ont agréablement surpris et me donnent l'envie de revenir à ces terres au carrefour historique des civilisations. La belle aventure humaine et professionnelle a certainement changé mon regard sur un pays souvent méconnu mais qui restera dans mon cœur, et qu'une communication plus soutenue rendrait plus visible au monde entier. Je quitte l'Algérie avec d'excellents souvenirs, mais aussi avec beaucoup d'espoir que les aspirations des Algériens se réalisent et que la coopération avec le système des Nations unies se développe davantage pour que le pays tire un plus grand profit de son appartenance à l'ONU.