La commémoration des manifestations du 17 octobre 1961 a été l'occasion pour le CCA de Paris d'accueillir, vendredi dernier, la projection du film documentaire Ici on noie les Algériens : 17 octobre, de Yasmina Adi, sorti en 2011. Basé sur des images de l'époque et sur les témoignages d'hommes et de femmes ayant vécu les manifestations et la répression féroce qui les a suivis, le documentaire a été projeté en présence de cadres et d'étudiants algériens en France, puisque cette commémoration a été organisée par l'Association des cadres et étudiants algériens en France (ECAF) en partenariat avec le CCA. Pour son président, Miloudi Fouad, "cette projection commémore le 60e anniversaire des manifestations du 17 octobre 1961 à Paris. Nous avons réuni une cinquantaine d'étudiants algériens, pour montrer qu'ils tiennent à leur histoire et qu'ils veulent connaître le combat de leurs aînés. Ces jeunes vont approfondir leurs connaissances de l'histoire ou la découvrir pour ceux qui l'ignorent". M. Miloudi pense que les jeunes veulent connaître la vérité : "On parlait de 2 morts alors qu'aujourd'hui, certains évoquent le chiffre de 100 morts. Il y a un travail de vérité qui est en train de se faire." L'émotion submerge la salle à la vue des images et des témoignages qui défilent à l'écran : répression, bastonnades, morts, blessés, disparus... L'assistance en sort bouleversée. Lydia, étudiante en Master 2 informatique, trouve que le film "rend parfaitement compte du traitement que faisait subir la colonisation aux Algériens. C'était un vrai massacre puisque de 2 morts, le chiffre grimpe à 60 et peut-être plus. La souffrance des femmes attendant en vain un mari ou un fils est insoutenable. Aujourd'hui, nous sommes reconnaissants et fiers du combat de nos anciens". C'est autour d'une collation que les débats allaient bon train entre les présents. "C'est un devoir pour les Algériens de connaître leur histoire, car une nation qui ne connaît pas la sienne est vouée à l'échec. Nous manquons de savoir et de culture nous concernant, et ce genre de film contribue à y pallier", confie Amine, étudiant en informatique à Paris. Parmi les invités, Fethi, un homme d'un certain âge, se souvient : "À l'époque, on habitait dans les bidonvilles de Nanterre. Mon père m'a sorti à Paris. Du côté de Neuilly, on a été pris dans des mouvements de foule suite à des coups de feu. C'était la nuit, mon père, très inquiet pour moi, me tenait par la main en courant comme tout le monde. Les gens se sauvaient en entendant les coups de feu. Mon père m'a éloigné de la zone dangereuse et nous sommes rentrés au bidonville." Toujours dans le cadre du 17 octobre, un autre film documentaire, Regards croisés sur la guerre d'Algérie, de Dominique Montagu et Jean Noël Pillet, qui "s'inscrit dans une démarche mémorielle plurielle, dans une perspective de collecte de témoignages singuliers relatifs à la guerre d'Algérie", a été présenté le 13 octobre au CCA où il est constaté un regain d'activités culturelles ces derniers temps après le "calme" imposé par la situation sanitaire. Ainsi, en même temps que la commémoration du 17 octobre, le Centre accueille une exposition de peinture de Red Dito dans laquelle on trouve des œuvres communes avec le designer d'origine algérienne Saïd Azzoug qui déclare : "J'expose des luminaires artistiques et des objets en lévitation, en plus des souches, car j'adore le travail du bois. J'utilise tous les matériaux, avec une préférence pour le bois, peut-être en raison de nos origines montagnardes et du fait que mon père, immigré, était menuisier", précise-t-il, ajoutant : "Mon inspiration vient de l'écoute des gens et de l'observation de la nature. Naturellement, mes origines algériennes comptent dans cette inspiration." Dans le cadre d'Octobre rose, mois consacré à la lutte contre le cancer du sein, le CCA accueille jusqu'au 30 octobre l'exposition de Leïla Aggoun, dont les bénéfices des ventes de toiles seront reversés à l'association ACTT créée il y a 34 ans.