"Le bureau d'études, qui avait déjà réalisé la conception d'un projet similaire à Oran, a calqué le même plan pour le site de Skikda. Il a carrément fait un copier-coller du même plan, alors que la nature du sol n'est pas la même", s'est défendu Omar Benhamadi. Pour son deuxième jour, le procès des propriétaires du groupe Condor, les frères Benhamadi, s'est poursuivi, hier, au pôle pénal financier et économique près le tribunal de Sidi M'hamed, à Alger, avec l'affaire Travocovia, une filiale du groupe en charge de la réalisation d'un hôpital pour les grands brûlés de 120 lits dans la wilaya de Skikda. À l'ouverture de l'audience, le juge a appelé à la barre le président du conseil d'administration de la filiale Travocovia, Omar Benhamadi, actuellement en détention, pour l'interroger sur l'énorme retard qu'ont pris les travaux, mais également sur les conditions d'acquisition du marché, ainsi que l'obtention d'un crédit bancaire "sans garanties" et "le non-paiement" des droits de la concession du terrain d'assiette. "Comment se fait-il que depuis 2014, le taux d'avancement des travaux n'ait pas dépassé les 60%, alors que le projet devait être livré dans un délai de 22 mois ? Je vous signale que nous entamons bientôt l'année 2022 !", s'est exclamé le juge. Omar Benhamadi a expliqué d'abord qu'il avait soumissionné, au même titre que plusieurs autres entreprises, et qu'il avait tout simplement remporté le marché, parce qu'il était le "moins-disant". "J'ai respecté toutes les procédures, et le marché nous a été accordé dans le respect de la loi en vigueur", a-t-il soutenu. S'agissant des retards pris dans le parachèvement du projet, l'accusé a tout mis sur le compte du bureau d'études, mais aussi sur la nature du terrain devant abriter l'hôpital des grands brûlés de Skikda. "Le bureau d'études, qui avait déjà réalisé la conception d'un projet similaire à Oran, a calqué le même plan pour le site de Skikda. Il a carrément fait un copier-coller du même plan, alors que la nature du sol n'est pas la même. Le terrain est marécageux et nous avons enregistré beaucoup de remontées d'eau...", s'est défendu Omar Benhamadi. Le directeur du projet, Bensif Chaâbane, appelé à son tour à la barre, a expliqué, de son côté, que son rôle se limitait à la réalisation de la structure, et qu'en l'absence des plans, il ne pouvait pas entamer les travaux à temps. "Du moment que les plans du projet n'étaient pas encore prêts, ma responsabilité n'était pas engagée", a-t-il répondu. La responsable du bureau d'études, Souad Rebiai, n'a, cependant, pas été appelée à la barre. En fin d'après-midi, le juge a enchaîné avec l'affaire des marchés passés entre Condor Electronics et l'opérateur public de téléphonie, Mobilis. Le premier accusé entendu dans cette affaire est Abdelhadi Mati, ancien directeur des relations administratives de Mobilis, poursuivi pour "dilapidation de deniers publics et abus de fonction". À la question de savoir pourquoi la préférence de l'opérateur public a été accordée au groupe Condor dans le marché de l'offre "tablette électronique munie d'une puce Mobilis", l'accusé a précisé que l'octroi de toute offre se fait selon une étude réalisée par la direction du marketing, et que l'offre de Condor a été traitée équitablement et au même titre que les offres présentées par Huawei, LG et Samsung. "Ce qui a été pris en considération dans l'octroi de ce marché, ce sont le montant et le délai de l'opération. Aucune faveur n'a été donc accordée à Condor", a-t-il relevé. L'ancien président-directeur général par intérim de Mobilis, Mohammed Habib, a soutenu les mêmes propos, affirmant que "le choix de Condor a été fait suivant une étude technique" et qu'"aucune pression n'a été exercée sur l'ancien secrétaire général du ministère de la Poste et des Télécommunications Fouad Belkacem pour le choix des tablettes Condor". Le juge a également entendu, dans l'après-midi, et toujours dans l'affaire Travocovia, des accusés dans le projet de réalisation d'une gare routière à Bordj Bou-Arréridj, qui remonte à 2011, et qui devait être réceptionnée dans un délai de 18 mois. Le procès des frères propriétaires du groupe Condor a débuté, lundi, avec l'affaire GB Pharma, dans laquelle les deux anciens Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal ont déjà été condamnés en première instance et en appel à cinq ans de prison ferme, pour "octroi de privilèges injustifiés au groupe Condor et à ses filiales, dont des facilitations pour la réalisation d'une usine de fabrication de médicaments". GB Pharma, qui était gérée par l'ancien ministre Moussa Benhamadi, décédé en prison en juillet 2020, avait bénéficié d'un crédit bancaire, d'exonération et de réduction de taxes et d'impôts, et d'une concession de lots de terrain à la nouvelle ville de Sidi Abdellah, après son agrément en 2011. Les propriétaires et 40 coaccusés sont poursuivis pour les chefs d'inculpation de "blanchiment d'argent", de "dilapidation de deniers publics", d'"incitation d'agents publics à exploiter leur influence pour l'obtention d'indus avantages" et de "financement occulte de partis politiques". Outre les actionnaires, sont ainsi poursuivis d'anciens responsables des secteurs de la santé, des transports, de la poste et des télécommunications, ainsi que de la Banque extérieure d'Algérie. Le procès reprendra aujourd'hui avec d'autres affaires liées, notamment, au "financement occulte de partis politiques et de la campagne électorale".