Comme la plupart des villes côtières algériennes, Tipasa a d'abord été un comptoir phénicien avant de devenir une cité romaine. On a fouillé, retourné la terre, questionné les pierres, interrogé les mosaïques de la grande basilique et de la villa des fresques, les thermes et les sarcophages. Bref, on n'a pas lésiné sur les moyens pour tenter de faire la lumière sur les ruines de Tipasa. Il ne fait aucun doute que beaucoup de chemin a été parcouru dans les fouilles et les recherches. Les découvertes aussi. La dernière en date remonte aux débuts des années 1950, avec l'exhumation d'un amphithéâtre. Mais on a omis de fouiner, de s'appliquer davantage, disent les gourmets, les amateurs de succulents mets, pour essayer de découvrir, de mettre la main sur la recette du "garum". Une sauce avec laquelle les Romains "assaisonnaient presque tous leurs plats". Louis Foucher a, enfin, remédié à cet oubli lors du 93e Congrès national des sociétés savantes, organisé en 1968 à Tours, en France. Il a consacré toute une étude à ce sujet. Les organisateurs de cette rencontre ont relevé dans le préambule dédié au travail de M. Foucher que "le garum paraît avoir été particulièrement apprécié et entrait dans la composition de nombreux plats". Ils ont ajouté qu'"il est donc intéressant de signaler tous les centres de fabrication que l'archéologie mis à jour et il est souhaitable que ceux-ci soient rapidement publiés avec toutes les précisions et les mensurations nécessaires". Pour les organisateurs du congrès, "l'ensemble des vestiges reconnus à ce jour justifie, aux yeux de l'auteur, de nouvelles recherches sur le terrain et un inventaire systématique des amphores ayant servi d'emballage". Et Tipasa est concernée. La colonie romaine produisait et mangeait du garum. Elle disposait d'un centre de fabrication, dont ce qui reste des bassins se trouve près des thermes. Parmi les amphores dont on voit des débris dans un parc archéologique de la ville, certaines ont dû servir de récipients à cette sauce préparée avec essentiellement du poisson. Des visiteurs en nombre Comme la plupart des villes côtières algériennes, Tipasa a d'abord été un comptoir phénicien avant de devenir une cité romaine. La superficie du parc archéologie s'étend sur plus de 52 ha. Les Vandales, les Byzantins, les Français et probablement d'autres envahisseurs étaient passés par là. Ses ruines représentent, aujourd'hui, un superbe musée archéologique à ciel ouvert, accueillant chaque jour des centaines de visiteurs. C'est le site historique et touristique du littoral algérien le plus visité par des touristes, des voyageurs et des hommes d'affaires étrangers de passage dans la capitale. Sa proximité d'Alger (70 km) y est pour beaucoup. Il abrite, entre autres, des vestiges d'un amphithéâtre, d'une basilique, d'un nymphée, d'un théâtre et de temples. La partie basse de la ville moderne de Tipasa est édifiée sur et avec des ruines antiques, romaines et autres. En fait, le site archéologique de Tipasa comprend deux parties. L'une est située à l'entrée Est de la ville, en venant d'Alger. Elle comprend une nécropole considérée comme "l'une des plus anciennes et des plus étendues du monde punique". Ses sarcophages ont été détruits. Elle abritait, autrefois, une basilique construite sur la tombe d'une religieuse, Fabia Salsa, tuée par des païens pour s'être convertie au christianisme. Elle fut précipitée en mer d'une falaise, près du port de Tipasa. La basilique fut bâtie au-dessus de sa tombe et portait son nom. Cette partie des vestiges de Tipasa ne figure pas sur les dépliants et les itinéraires touristiques des tours opérateurs. Les visiteurs préfèrent l'autre partie, située au nord-ouest de la ville, qui héberge les vestiges des différents conquérants qui ont occupé la cité. La fontaine publique La promenade y est plus agréable. Elle commence sur la rue piétonne qui longe, de l'extérieur, la clôture du parc archéologie. D'une terrasse d'un restaurant, on peut admirer les restes des grands thermes. Dès qu'on franchit, quelques dizaines de mètres plus loin, la porte principale du parc, on est accueilli par l'amphithéâtre déterré au début des années 1950. Le monument est situé à droite de l'allée conduisant vers le centre du site, côté mer. Il a été découvert dans une propriété appartenant à Jean-Basptiste Trémaux, genre de Demochy, fondateur de la ville moderne de Tipasa au milieu du XIXe siècle. M. Trémaux créa un petit jardin-musée dans l'enceinte de ce qui est devenu, aujourd'hui, le parc archéologique de Tipasa. La parcelle de terrain qu'il s'était octroyée se trouve à droite de l'entrée principale. Elle n'est pas accessible aux visiteurs. À la sortie nord-ouest de l'amphithéâtre, on peut apercevoir un cavalier monté sur un cheval gravé sur une pierre de taille située en contrebas de l'allée. Quelques mètres plus loin, se trouve le Temple Anonyme. Il est flanqué, à sa droite, d'un monument semblable désigné sous le nom de Nouveau Temple. Là, on prend le Cardo rucumanus, une large avenue pavée de pierres portant encore des traces des roues en fer des chars et autres carrioles utilisés à l'époque. L'avenue, bordée d'arbres, mène vers le nymphée, une fontaine publique datant du IVe de notre ère. Un panneau placé à proximité fournit quelques détails sur ce monument, son architecture et la provenance de son eau. Magnifique panorama Le prolongement de l'allée, non pavée, conduit vers le théâtre, édifié à l'écart, loin des vestiges du centre de l'ancienne cité antique. Des écrits datant des deux derniers siècles rapportent que les pierres de ce fabuleux monument ont été pillées. Elles ont servi à des constructions à Alger et, surtout, à l'édification de l'hôpital de Marengo, actuel Hadjout. Il a fait l'objet d'un "pillage organisé" pendant la colonisation française, selon certains auteurs. Les Turcs en avaient fait autant avec les bâtisses antiques de Tamentfoust (ex-La Pérouse). Le visiteur emprunte un chemin à travers les bois, abritant un important puits et un bassin ressemblant à une piscine, pour rejoindre la grande basilique d'Alexandre, du nom de l'un de ses évêques. L'édifice offre une vue magnifique. Il a été construit sur un promontoire dominant à la fois le centre du site antique et la mer. Des fragments de mosaïque sont encore visibles sur le sol. La basilique était considérée comme la plus grande d'Afrique du Nord. C'est vrai qu'elle s'étendait sur une vaste superficie. Son voisinage immédiat, à droite, abrite les thermes baptismaux et une chapelle. Le côté ouest du parc héberge ce qu'on appelle la nécropole de l'ouest, comprenant des dizaines de sépultures éventrées, une chapelle et une crypte. Le tout enfoui sous des arbres et des buissons infranchissables. C'est dans ce coin, envahi par la végétation, qu'est érigée la stèle à la mémoire d'Albert Camus, sur laquelle on peut lire cette phrase de l'auteur de L'Etranger : "Je comprends ici ce qu'on appelle gloire : le droit d'aimer sans mesure." C'était l'emplacement favori de l'écrivain. Il fait face au mont du Chenoua et surplombe la plage du même nom, aujourd'hui bouffée et amochée par le béton. Du "garum" pour tous Revenir sur ses pas vers la Basilique, puis descendre vers la partie plate du parc afin de visiter les thermes, les bassins qui auraient servi pour la fabrication du fameux garum. Le visiteur gagne ensuite le Cardo (allée) maximus qui conduit vers les bords de la mer. Cette merveilleuse avenue abrite les villas particulières et, surtout, la villa des fresques dont le sol de la salle à manger est pavé d'une remarquable mosaïque qui suscite l'admiration des visiteurs. Il existe d'autres endroits du parc archéologique qui méritent un détour. C'est le cas notamment des traces des sites dédiés au Forum, à la basique judiciaire et à la curie. Classé patrimoine mondial de l'humanité en 2002, le Musée à ciel ouvert de Tipasa est considéré par l'Unesco comme "l'un des plus extraordinaires complexes archéologiques du Maghreb, et peut-être le plus significatif pour l'étude des contacts entre les civilisations indigènes et les différentes vagues de colonisation du VIe siècle avant J.-C. et du VIe de notre ère". Pour cette organisation, "durant cette période, Tipasa a joué le rôle d'escale maritime, un lieu d'échanges commerciaux avec les populations autochtones. De nombreuses nécropoles traduisent des mots d'inhumation et de pratiques funéraires très variés qui témoignent d'échanges d'influences multiculturelles remontant au temps protohistorique". L'avantage, avec Tipasa, est que la virée historico-touristique s'achève toujours autour d'une table garnie de poisson...