L'effort en matière de recouvrement fiscal reste très en deçà des attentes, puisque le bilan de 2019 fait ressortir la "prédominance" des recouvrements par mode de retenue à la source et de paiement spontané, alors que les recettes provenant d'autres impôts et taxes – dont l'IBS, les recettes ordinaires et l'impôt sur le patrimoine – continuent de dégager des moins-values importantes. C'est ce qu'on peut lire dans le rapport annuel 2021 de la Cour des comptes, adopté le 27 octobre dernier par le comité des programmes et des rapports de cette institution. Comme à l'accoutumée, les magistrats financiers ne mâchent pas leurs mots lorsqu'il s'agit de délibérer au sujet de l'effort en matière de recouvrement de la fiscalité ordinaire, relevant ainsi et de manière récurrente "la prédominance des recouvrements par mode de retenue à la source et de paiement spontané". Ainsi, l'IRG sur les salaires procure, à lui seul, 774,511 milliards de dinars sur un total de 863,504 milliards de dinars de recettes de cette catégorie d'impôt. La Cour des compte relève, également, des "prévisions peu maîtrisées au niveau de certaines catégories d'impôt, en dégageant des moins-values importantes. Tel est le cas des recettes fiscales -192,2 milliards de dinars (-6,32%) et des produits de la fiscalité pétrolière -195,981 milliards de dinars (-7,22%)". Les recettes de certains impôts directs, dont l'impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS), les recettes ordinaires, l'impôt sur le patrimoine... demeurent très en deçà des attentes, "au détriment du principe de l'égalité devant l'impôt", estime la Cour des comptes dans son rapport d'appréciation de l'exécution du budget au titre de l'année 2019. L'impression qui se dégage à la lecture des chiffres est que l'administration fiscale éprouve toutes les peines à récolter le produit de certaines taxes, dont l'IBS et l'impôt sur le patrimoine, et se réfugie éternellement dans le confort procuré par le mode de retenue à la source. L'IRG sur les salaires alimente les caisses du Trésor pour près d'un tiers de ses recettes en provenance de la fiscalité ordinaire, alors même que l'Exécutif doit réviser les taux à la baisse en 2022, dans une tentative de revalorisation des salaires au moyen de mesures fiscales. L'administration fiscale demeure étrangement passive quant au recouvrement en matière d'IBS et d'impôt sur le patrimoine, nonobstant les multiples alertes de la Cour des comptes. L'impôt sur la "fortune" attend, quant à lui, la détermination par voie réglementaire de la matière imposable. Plus de 13 000 milliards de dinars de restes à recouvrer Il n'en demeure pas moins que, dans cette prédominance des recouvrements par mode de retenue à la source, la Cour des comptes voit une flagrante entorse au principe d'égalité devant l'impôt. Cette situation s'explique, principalement, par "le manque de recensement périodique, la récurrence des phénomènes d'évasion et de fraude fiscales, le non-élargissement des opérations d'inspection et l'importance de la dépense fiscale : 692,8473 milliards de dinars en 2019 dont l'impact sur l'économie, à travers la valeur ajoutée que suscitent ces avantages, n'est pas évalué". À ce propos, les magistrats financiers constatent une différence de 183,8 milliards de dinars par rapport au montant des dépenses fiscales déclaré par le ministère des Finances, soit 509 milliards de dinars. "Le recouvrement des droits constatés est faible, privant le Trésor public de recettes, ce qui a conduit à l'aggravation des restes à recouvrer", fait constater la Cour des comptes, soulignant, dans la foulée, que les RAR (restes à recouvrer) caracolaient, à fin 2019, à plus de 13 000 milliards de dinars, dont 5 071 milliards de dinars afférents aux dettes fiscales (38,08%). Les failles recensées dans le système de recouvrement fait dire à la Cour des comptes le besoin de recettes additionnelles. "Cela nécessite un système fiscal plus efficace et plus équitable qui permet la réduction des comportements illégaux et le respect des obligations fiscales." Ensuite, "l'élargissement de l'assiette fiscale requiert l'utilisation de moyens plus efficaces, y compris la gestion par les risques (répartition des ressources de l'administration fiscale selon la cartographie des risques des recettes)", lit-on dans le rapport de la Cour des comptes. Par ailleurs, au chapitre dédié aux comptes spéciaux du Trésor, les magistrats financiers ont constaté une augmentation sensible du solde débiteur des prêts accordés en 2019, surtout ceux destinés à l'habitat et au Fonds national de l'investissement. Sur la gestion et le fonctionnement de la Caisse d'affectation spéciale (CAS), la Cour des comptes pointe le recours insuffisant aux ressources propres pour le financement des fonds des CAS ; ils restent largement dépendants du budget général de l'Etat. La Cour note également une insuffisance dans l'élaboration des cahiers des charges relatifs aux contributions financières accordées sur les CAS, l'absence de plan d'action annuel qui fixe les objectifs physiques et financiers et les délais de réalisation, ainsi que l'absence d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs permettant l'évaluation de la performance et l'atteinte des objectifs escomptés.