Les militaires au pouvoir à Bamako ont appelé les Maliens à manifester demain contre les sanctions de la Cédéao, qui rejette toute prolongation de la période de transition au Mali. Le conflit politico-diplomatique opposant la junte au pouvoir au Mali aux voisins de l'Afrique de l'Ouest s'est internationalisé. Mardi soir, il a été au cœur d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU, où Russes et Chinois ont rejeté le projet d'une résolution soutenant les sanctions de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), un texte proposé par la France et appuyé par les Etats-Unis. Les sanctions imposées par la Cédéao au Mali consistent en effet en un embargo aérien et terrestre, visant à faire revenir la junte au pouvoir à Bamako sur sa décision de prolonger de cinq ans la période de transition, qui devait s'achever avec la tenue de la présidentielle le 27 février prochain. Dans une déclaration lue au nom des trois membres africains du Conseil, l'ambassadeur du Kenya a défendu les sanctions de la Cédéao qui visent à faire "accélérer la transition" au Mali et à revenir à un ordre constitutionnel et civil. Ces mesures n'entravent pas l'aide humanitaire à la population malienne, a insisté Martin Kimani. Les Etats-Unis ont, de leur côté, exprimé leur soutien à la position de la Cédéao. "Nous exhortons le gouvernement de transition à tenir son engagement envers le peuple malien de ramener son pays à la démocratie", a affirmé la diplomate américaine. "Une transition de cinq ans n'est pas dans leur intérêt et prolonge la douleur du peuple", a-t-elle ajouté, en réclamant des élections "libres et équitables" et "transparentes". Mais les conditions ne sont pas réunies à Bamako pour la tenue de telles élections, les militaires au pouvoir ayant verrouillé tout le jeu politique et exclu les véritables acteurs politiques, civils et associatifs, et allant jusqu'à commettre un putsch dans le putsch. L'annonce du retrait militaire français du Mali a donné prétexte au chef de la junte, Assimi Goïta, également président autoproclamé du pays, pour faire entrer la Russie dans le bourbier malien, à travers l'arrivée présumée de la controversée société de sécurité russe Wagner, soupçonnée d'être proche du Kremlin. Cela explique en partie la position russe au Conseil de sécurité, où le représentant spécial du secrétaire général pour le pays, El-Ghassim Wane, a estimé que les partenaires du Mali devraient s'appuyer sur les aspirations du peuple malien à la paix "pour aider à jeter les bases d'une stabilité durable" dans la région de l'Afrique de l'Ouest. Dix ans après le début de la guerre civile au Mali, les espoirs d'une résolution rapide de l'insurrection et des conflits ne se sont pas concrétisés, a affirmé M. Wane. Au lieu de cela, "l'insécurité s'est étendue, la situation humanitaire s'est détériorée, davantage d'enfants ne sont pas scolarisés et le pays est affecté par un cycle sans fin d'instabilité", a-t-il expliqué. De fait, plus de 1,8 million de personnes auront vraisemblablement besoin d'une aide alimentaire en 2022, contre 1,3 million en 2021, soit le plus haut niveau d'insécurité alimentaire enregistré depuis 2014. Et plus d'un demi-million d'enfants ont été affectés par des fermetures d'écoles, ce qui, selon l'envoyé, met "l'avenir du pays en péril".