Le Mali a annoncé, hier, le rappel de ses ambassadeurs en Afrique de l'Ouest et la fermeture de ses frontières avec ses voisins de la Cédéao en réaction à sa mise sous embargo par les dirigeants ouest-africains réunis dimanche à Accra. «Le gouvernement du Mali condamne énergiquement ces sanctions illégales et illégitimes» et rappelle ses ambassadeurs dans les pays de la Cédéao, affirme un communiqué lu à la télévision nationale par le porte-parole du gouvernement, en uniforme, le colonel Abdoulaye Maïga. «Le gouvernement du Mali regrette que des organisations sous-régionales ouest-africaines se fassent instrumentaliser par des puissances extra-régionales aux desseins inavoués», a-t-il ajouté, sans les nommer. La junte annonce aussi fermer ses frontières terrestres et aériennes avec les pays de la Cédéao. La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) ont pris dimanche une batterie de mesures économiques et diplomatiques vigoureuses à l'encontre du Mali pour sanctionner l'intention de la junte de se maintenir au pouvoir encore plusieurs années. Ces mesures sanctionnent notamment la promesse non tenue des colonels d'organiser le 27 février des élections présidentielle et législatives qui auraient ramené des civils à la tête du pays. La Cédéao, qui maintient les échanges commerciaux des produits de première nécessité, a aussi décidé de couper ses aides financières et de geler les avoirs du Mali à la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO). Les pays membres vont rappeler leurs ambassadeurs au Mali, théâtre de deux coups d'Etat militaires depuis 2020 et en proie à une profonde crise sécuritaire. Ces sanctions prennent effet immédiatement, ont-ils précisé. Elles ne seront levées progressivement que lorsque les autorités maliennes présenteront un calendrier «acceptable» et que des progrès satisfaisants seront observés dans sa mise en oeuvre. La proposition de la junte malienne d'organiser la présidentielle en décembre 2026 est «totalement inacceptable», estime la Cédéao. Elle «signifie simplement qu'un gouvernement militaire de transition illégitime prendra le peuple malien en otage au cours des cinq prochaines années». Ces sanctions ouest-africaines sont plus rigoureuses encore que celles adoptées après le premier putsch d'août 2020. En pleine pandémie, elles avaient été durement ressenties dans un pays enclavé parmi les plus pauvres du monde. Elles passent pour avoir forcé à l'époque la junte à accepter de s'engager à rendre le pouvoir aux civils sous 18 mois après des élections. Les autorités de transition disent aujourd'hui ne pas être capable d'organiser des élections présidentielle et législatives comme prévu fin février, invoquant l'insécurité persistante dans le pays, en proie aux violences de toutes sortes: terroristes, communautaires, de droit commun... Elles soulignent la nécessité de réformes préalables pour que les élections ne souffrent pas de contestations, à l'instar des précédentes. La Cédéao a fustigé, elle «le manque évident et flagrant de volonté politique des autorités de transition». Depuis le premier putsch d'août 2020, conforté par celui de mai 2021 intronisant le colonel Assimi Goïta comme président de «transition», la Cédéao pousse au retour des civils dans les meilleurs délais. Pressentant le courroux ouest-africain, Bamako avait dépêché samedi à Accra deux ministres de son gouvernement chargés de soumettre un calendrier révisé. «La contre-proposition malienne est une transition de quatre ans. C'est de la rigolade», a souligné un haut responsable ghanéen ayant requis l'anonymat, dont le pays assure actuellement la présidence de la Cédéao. Pour l'organisation dont la crédibilité est en jeu, il s'agit de défendre ses principes fondamentaux de gouvernance, de stopper la contagion du fait accompli et de contenir l'instabilité régionale. Mesure de l'importance des enjeux pour la Cédéao comme pour le pays au coeur de l'instabilité sahélienne, c'était la huitième fois que les dirigeants ouest-africains se retrouvaient, en présentiel ou en visioconférence, pour parler spécifiquement du Mali (avec la Guinée après un autre putsch en septembre 2021) depuis août 2020, sans compter les sommets ordinaires. La Cédéao avait déjà suspendu le Mali de ses organes de décision et imposé un gel de leurs avoirs financiers et une interdiction de voyager à 150 personnalités, coupables selon elle de faire obstruction aux élections. Ces sanctions restent en vigueur.